Selon ce rapport, constitué d’analyses statistiques et d’entretiens avec les acteurs, il apparaît que « la réalité des situations des familles pauvres est en contradiction flagrante avec la mise en œuvre du droit au logement ». « Il n’y a pas, pour autant, de riches et très peu de classes moyennes aisées dans le parc social », modère Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, « mais le problème est que les 2,5 millions de demandeurs HLM sont beaucoup plus pauvres que la moyenne des Français et que l’accueil dans le parc social ne suffit pas à accorder les mêmes chances aux plus pauvres parmi les pauvres ».

En cause, un nombre insuffisant de logements sociaux, mais aussi des loyers HLM trop élevés pour une partie des ménages à la limite ou sous le seuil de pauvreté. Les obstacles à l’accès au parc social des demandeurs les plus pauvres sont, ainsi, multiples et la plupart d’entre eux ne franchissent même pas le cap d’un examen de leur dossier en commission d’attribution, pointe le rapport. « Le tri se fait avant » explique Pauline Portefaix, auteure principale du document, « la plupart du temps, ils ne sont même pas sélectionnés à la Commission d’attribution au logement (CAL) ».

Et les auteurs du rapport d’expliquer que si la réglementation n’exige aucun minimum de ressources, les commissions d’attribution évaluent la capacité du demandeur à supporter le coût de son logement. « Or, ce coût n’a cessé d’augmenter : loyers des logements sociaux en hausse constante depuis 1977 à cause de la hausse des prix du foncier, de la construction et de la baisse des aides à la pierre ; baisse régulière des aides personnelles ; hausse des charges ».
Dans le même temps, la précarité croissante des familles candidates au logement social est de plus en plus forte : le « taux d’effort » du candidat dépasse, de plus en plus souvent, le seuil de 25 ou 30 %, synonyme d’exclusion. Un « phénomène » que l’économiste Pierre Madec, contributeur de cette analyse, résume ainsi : « le parc social est comme le modèle de protection social français, assez efficace pour les classes populaires avec de petits revenus, mais pas pour les plus précaires qui sont parfois sous le seuil de pauvreté, que le parc social a du mal à accueillir ». Soulignons que des « dysfonctionnements » dans le système avaient déjà été pointés par l’Etat en 2019.

Mais, pour ne pas s’en tenir à un seul constat, les associations ont élaboré quinze propositions qui permettraient de changer la donne. Parmi celles-ci, la création d’un fonds régional pour une baisse des quittances HLM est « la plus simple et immédiate », selon la Fondation Abbé-Pierre. Propositions que voici :

LOYERS ET CHARGES

1. Revaloriser les APL
2. Créer un fonds régional de baisse de quittance HLM
3. Renforcer les conditions d’application du Supplément de Loyer de Solidarité (SLS)
4. Maîtriser le coût des charges
5. Évaluer les expériences de recomposition des loyers du parc social
6. Expérimenter la quittance adaptée aux ressources du ménage

PARC SOCIAL ACCESSIBLE

7. Développer et mieux répartir le logement social dans les grandes agglomérations
8. Financer chaque année 60 000 PLAI aux loyers proches des plafonds APL
9. Mobiliser la vacance et l’offre privée à vocation sociale

ACCÈS AU DROIT AU LOGEMENT

10. Accélérer le relogement des publics prioritaires
11. Informer et accompagner les demandeurs en difficulté
12. Fiabiliser l’outil de gestion de la demande de logement social
13. Intégrer aux systèmes de cotation des critères de ressources financières des ménages
14. Faire appliquer les obligations liées au respect des 25 % d’attributions de logements hors QPV au premier quartile de revenu des demandeurs

ÉVALUATION DES PROGRÈS ACCOMPLIS

15. Évaluer les progrès accomplis grâce à un indicateur annuel d’accès au logement des plus pauvres.

Paradoxe : le logement social ne loge que très peu les plus pauvres, selon un collectif d'associations