A l’initiative de son directeur général, Eric Donnet et de son directeur des opérations-immobilier d’entreprise, Roland Cubin, la filiale immobilière de Groupama a ainsi lancé, à cinq grands architectes, le challenge de dessiner « La Défense de demain ». Une démarche privée appuyée par les réflexions de l’anthropologue Sonia Lavadhino et du sociologue Jean Viard. « Transformer ce quartier, ses tours des années 70, ses bureaux fermés sans jardin, son urbanisme de dalle déconnecté du reste de la ville, l’envisager dans son épaisseur, comme le centre d’une unité urbaine de 250 000 habitants est un enjeu considérable » explique Eric Donnet. Aussi, pour ne pas « se résigner en considérant que La Défense va se vider de sa population », l’investisseur a fait le choix de sortir de son périmètre d’intervention. « Pour fabriquer la ville, il ne faut rien s’interdire, nous nous ne nous intéressons donc pas seulement à nos immeubles ou aux immeubles, pas à la construction unitaire, mais au lien entre tous nos actifs » poursuit le directeur général. L’ambition est grande : celle de penser que La Défense sera un modèle de la ville bas carbone, un laboratoire de nouveaux services, mais aussi un nouveau pôle touristique et un lieu majeur de création artistique. Les inspirations pour ce grand « droit à l’imagination » ? La « high line » de Manhattan, mais aussi le « silk road corridor » dans le quartier d’affaires de Qianhai, à Shenzen. Pour atteindre cette ambition, le « Chemin » pose le principe de création d’un système aérien à l’échelle du territoire, dans lequel les tours de bureaux offriront de nouveaux usages : restauration, commerces, activités sportives ou culturelles, services aux entreprises ou aux particuliers, coworking.

Relier les lieux et les hommes

Le concept de Groupama Immobilier est celui d’une infrastructure inédite à cette échelle. Un « Chemin » d’altitude reliant les tours entre elles et reliant les villes voisines à la dalle, créant de fait la plus grande infrastructure piétonne d’Europe. En se connectant aux bâtiments, Le « Chemin » créerait des places et des nouvelles entrées de tours en altitude, qui sont autant d’espaces publics. Autre particularité de ce « Chemin » : celle d’être représentatif du « modèle français » . « Je crois au modèle français » assume Eric Donnet, souhaitant que « La Défense soit un territoire d’expérimentation pour monter ce modèle français ».

Une ville relationnelle, ville ouverte

Pour l’anthropologue Sonia Lavardinho, à l’enthousiasme contagieux, pour trouver ce « chemin », il faut « passer de la ville fonctionnelle à la ville relationnelle », une « ville en marche et où l’on marche ». L’idée : donner naissance à une « reliance, une co-présence » , en considérant « que les plus beaux édifices de La Défense ne sont pas les tours, mais les humains. C’est ça qui nous a manqué à l’heure du confinement » soutient l’anthropologue : « les tours seules ne suffisent pas ». Ce « togethering », ou encore, la sérendipité, ce hasard heureux qui fait que l’on croise l’autre, devront être ressentis dans nos villes et quartiers de demain. Même conviction chez le sociologue Jean Viard, qui souligne, par ailleurs, combien la pandémie nous a conduit à réévaluer nos vies (professionnelles et privées), nos modes de travail, nos déplacements… « C’est un mai 68 puissance 10 » qui est en train de se produire » considère-t-il. « A l’heure où la modernité est dans notre poche (le portable, ndlr) et où le télétravail est en hausse constante, en progression de 22 % tout récemment et que les gens ne veulent pas travailler chez eux, mais à côté de chez eux, il faut réfléchir autrement. Nous allons être dans une culture du bureau secondaire. Il y a tout, y compris le logement, à réinventer. Il faut penser le New York de l’Europe en ne cherchant pas l’hypermodernité, mais l’esprit des lieux ».

Nature et liens

Cinq grands architectes ont donc planché pour répondre à ce cahier des charges. Pour Chartier-Dalix, la proposition, est de « Faire système », soit connecter les tours entre elles au moyen de « piles » légères et « opportunistes » munies de passerelles entre elles afin de répondre à une nouvelle « psychogéographie » comme l’exprime Frédéric Chartier. L’intention est aussi de re-naturer le quartier par des «folies végétales» installées le long de l’axe historique, et de relier l’ensemble, ainsi que les communes riveraines, grâce à des portes.

Le projet d’Enia Architectes, « Inside-Out », permet de relier La Défense à ses communes limitrophes. Il prolonge notamment les réflexions de l’Axe majeur avec une connexion au niveau de la Porte de Neuilly. Les architectes souhaitent, eux, questionner « une utopie construite » et ont imaginé un enchaînement d’anneaux, passerelles, places permettant au visiteur de cheminer sur un parcours végétalisé « dans un continuum de biodiversité ». Ils font, eux aussi, le choix de relier ce territoire aux communes proches.

Histoire de racines

Très différent est le projet d‘Anne Démians, qui dessine un chemin, ouvrage de béton haute performance à deux étages dont l’emprise au sol est légère et qui se love entre les tours, métaphore des racines dont les immeubles ne sont pas nourris. Nommée « Flying Lane« , cette proposition a pour objet majeur un belvédère, signal vertical et circulaire qui s’appuie sur une tour d’une centaine de mètres de haut. Il se distingue par ses plateformes circulaires et son grand escalier en hélice. Des circulations verticales conduisent les visiteurs à l’espace de restauration qui occupe la partie la plus haute de l’édifice. Avec « Coutures », Maud Caubet a, quant à elle, dessiné un chemin à l’échelle humaine, reliant des lieux oubliés ou délaissés, intégrant la nature dans le paysage, construisant une balade « poétique et bucolique » s’appuyant sur le recours à des matériaux naturels et biosourcés. Le dernier projet présenté, « L’Avenue », celui de Christian de Portzamparc est, lui, d’occuper l’espace central du parvis de La Défense, considérant que la largeur de l’esplanade permet d’intégrer une avenue de trente mètres de large bordée d’immeubles résidentiels dont la hauteur sera comprise entre 25 et 50 mètres. Les bâtiments de l’Avenue sont prévus en structure bois, solution la plus légère (deux fois plus légère que le béton).

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