Une véritable déflagration. En évoquant la perspective d’en finir avec la maison individuelle de type années 1970, bâtie à l’écart des autres et ceinte d’un jardin individuelle, Emmanuelle Wargon a mis vent debout les professionnels de la construction. Un cortège de réactions courroucées initié par Damien Hereng, le président de la Fédération Française des Constructeurs de Maisons Individuelles (FFC), qui s’est fendu d’une tribune ouverte au vitriol sitôt les annonces rendues publiques : « Laissez les Français tranquilles! » a-t-il alpagué la ministre. Le pôle habitat de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) lui a emboîté le pas, déplorant sur Twitter la « stigmatisation persistante de l’habitat individuel, à contresens des aspirations des Français ». Enfin, Domexpo, le salon regroupant la majorité des constructeurs en Ile-de-France, par la voix de son président Daniel Lair-Lachapelle, s’est lui aussi élevé contre cette proposition.

« Un non-sens écologique »

En toile de fond, les constructeurs font front commun contre la ministre pour défendre une certaine conception de l’habitat traditionnel, ce fameux pavillon avec jardin en périphérie des grandes agglomérations que tout ménage français aspire à posséder un jour. Une image d’Epinal remise au goût du jour à l’occasion de la crise sanitaire, qui a remis la maison individuelle au centre du jeu immobilier et ce, pour plusieurs raisons : besoin de s’émanciper de la concentration urbaine qui favoriserait la transmission de virus, nécessité d’avoir plus d’espace pour les télétravailleurs réguliers, qui peuvent s’éloigner des centres-villes car non-contraints de se rendre sur leur lieu de travail tous les jours…

Or, ce modèle présenterait, aux yeux de la ministre, un non-sens dans le contexte de transition écologique souhaité par le gouvernement. D’ailleurs, la loi « climat et résilience », promulguée au mois d’août, intègre une disposition appelée « non-artificialisation des sols », visant à interdire de construire dans des zones non-bâties auparavant. Une façon de lutter contre l’extension infinie des lotissements en périphérie des villes…

Vers un changement de modèle ?

Pressée de s’expliquer clairement, Emmanuelle Wargon a donc mis en avant les raisons écologiques énoncées ci-dessus, tout en dénonçant une caricature faite de ses propos. « Je ne suis pas du tout opposée à la maison individuelle, la question est de savoir où et comment on construit » a désamorcé la ministre sur FranceInfo dimanche 17 octobre, deux jours après le déclenchement de « l’incendie ». Des arguments repris par la communication d’un autre ministère, celui de la Transition Ecologique, qui a confirmé qu’il n’était « pas question d’en finir avec la maison individuelle ». Tout en affirmant qu’il était essentiel de « repenser les modèles d’urbanisme »…

Cette mise au point suffira-t-elle a calmé les passions que l’annonce initiale avait déclenchées? Quoi qu’il en soit, la France n’est pas le seul pays européen à réfléchir à son futur modèle de logement. Dans un rapport intitulé « Espagne 2050 », le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez planche sur une généralisation « de formes d’occupation alternatives à la propriété individuelle et à la location, telles que la propriété temporaire ou partagée… ». En Allemagne, pour lutter contre l’étalement urbain, le maire d’une commune située à proximité de Hambourg a interdit la construction de maisons individuelles, suscitant un vif débat sur la viabilité de ce modèle au sein de son pays. Assisterait-on à un changement progressif de paradigme ?

Vivement critiquée, Emmanuelle Wargon précise sa pensée sur les maisons individuelles...