1 – DU VERDISSEMENT A LA LUTTE CONTRE L’ARTIFICIALISATION DES SOLS

Contexte réglementaire et objectifs

La logique de verdissement issue de la loi dite SRU de 2000 avait réorienté le droit de l’urbanisme vers de nouveaux objectifs comme l’utilisation économe des sols, la densification des espaces déjà urbanisés ou le renouvellement des espaces urbains dégradés.

La loi Climat et résilience de 2021 a introduit la notion d’artificialisation avec un objectif de zéro artificialisation nette (Zan) en 2050 : un premier objectif de réduction de 50 % du rythme de la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers (Enaf) dans les dix prochaines années, puis une division par deux du rythme d’artificialisation des sols toutes les dix années par rapport à la consommation des sols observée sur les dix années précédant cette date.

Genèse et constats

L’artificialisation des sols est un enjeu français avant d’être européen, la France étant le pays qui artificialise le plus par habitant avec 27 000 hectares/an entre 2006 et 2016, soit quatre à cinq terrains de football par heure (Source Cerema).

Nouvelle notion juridique : nomenclature de l’artificialisation des sols

Un décret du 29 avril 2022 a défini la nomenclature de l’artificialisation des sols et classé les surfaces terrestres comme artificialisées ou non artificialisées.

Les qualités de ces surfaces sont appréciées au regard de leur couverture, mais également de leur usage.

Par exemple, la nomenclature classe comme artificialisées les surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement ; partiellement ou totalement perméables et stabilisés et compactés ou recouverts de matériaux minéraux ou partiellement ou totalement perméables et constitués de matériaux composites. A l’inverse, sont qualifiées de non artificialisées les surfaces qui sont, par exemple, naturelles, nues ou couvertes en permanence d’eau, de neige…

Les moyens

L’objectif Zan se traduit dans les documents de planification, le décret du 29 avril 2022 ayant fait du schéma régional d’aménagement de développement durable et d’égalité des territoires (Sradett), le document privilégié pour l’intégration des objectifs à respecter.

S’agissant des PLU (plans locaux d’urbanisme, ndlr), dans les zones à urbaniser, les OAP (orientations d’aménagement et de programmation, ndlr) devront prévoir un échéancier prévisionnel d’ouverture à l’urbanisation et de réalisation des équipements correspondant à chacune d’elles.

Le règlement du PLU(i) pourra définir une part minimale de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables, lorsque ce PLU(i) concerne les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants et dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique (listées dans le Code de la construction et de l’habitation).

Les collectivités ne pourront prévoir dans les PLU, l’ouverture à l’urbanisation de sols naturels, agricoles ou forestiers, qu’en justifiant de l’absence de parcelle disponible dans les espaces urbanisés.

Temporalité de ces objectifs

La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS) a précisé la temporalité de ces objectifs.

Le calendrier est rallongé de six mois. Les procédures d’évolution des Sradett, Padduc et Sdrif sont repoussées au 22 février 2024 (au lieu du 22 août 2023), le délai de modification des Scot doit être réalisé dans les cinq ans après la loi Climat, soit au 22 août 2026 et pour les PLU, le délai est de six ans après la promulgation de la loi, soit au 22 août 2027.

Le calendrier pourrait évoluer encore compte tenu des discussions actuelles qui font suite à l’opposition de certains élus.

Surfaces commerciales

La loi Climat et résilience a intégré à l’article L. 752-6 du Code de commerce, un principe général qui interdit toute implantation ou extension d’équipement commercial soumis à autorisation d’exploitation commerciale (AEC) engendrant une artificialisation des sols au sens de l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme.

Cette interdiction est assortie de dérogations sous des conditions strictes exclusivement applicables aux projets compris entre 1 000 et 10 000 mètres carrés.

Pour bénéficier des dérogations, le pétitionnaire doit joindre à son dossier de demande d’autorisation d’exploitation commerciale, une analyse de l’impact du projet en matière d’artificialisation des sols et démontrer que son projet s’insère « en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat » et « qu’il répond aux besoins du territoire ».

En outre, le projet devra s’insérer dans un des secteurs spécifiques visés à l’article L. 752-6 du Code de commerce.

Un décret a été publié le 13 octobre 2022 relatif aux modalités d’octroi des autorisations d’exploitation commerciale pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols.

Ainsi, tout projet de demande devra comporter une présentation du projet au regard de ses effets en matière d’artificialisation des sols (comparaison des surfaces des terrains artificialisés des parcelles du projet à la date d’achèvement du projet et à la date du 23 août 2021). L’augmentation des surfaces artificialisées pourra être compensée sur les parcelles du projet ou « à proximité immédiate du projet » ou encore dans des zones de renaturation préférentielles identifiées par les documents d’urbanisme.

Le décret s’applique aux demandes déposées à compter du 15 octobre 2022.

2 – INCITATION A LA DENSIFICATION

L’incitation à la densification passe par une densification dans les opérations d’aménagement, les opérations de construction et les dérogations au PLU.

La densification dans les opérations d’aménagement

L’incitation à la densification remonte à la loi Alur de 2014 qui avait supprimé le Cos ou prévu une taille minimale des terrains. La loi Climat et résilience de 2021 poursuit ce mouvement car toute action ou opération d’aménagement soumise à évaluation environnementale devra faire l’objet d’une étude d’optimisation de la densité des constructions.

La densification dans les opérations de construction

La densification dans les opérations de construction se manifeste par l’élargissement des dérogations prévues à l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme et de nouvelles dérogations.

Désormais, l’autorité compétente pour délivrer un permis de construire peut autoriser une dérogation supplémentaire de 15 % des règles relatives au gabarit pour les constructions contribuant à la qualité du cadre de vie, par la création d’espaces extérieurs en continuité des habitations, assurant un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres. Cette dérogation supplémentaire ne peut concourir à excéder 50 % de dépassement au total.

S’agissant des nouvelles dérogations, l’article L. 152-5-2 du Code de l’urbanisme prévoit que l’autorité compétente peut autoriser à déroger aux règles des PLU relatives à la hauteur, pour les constructions faisant preuve d’exemplarité environnementale. Cela afin « d’éviter d’introduire une limitation du nombre d’étages, par rapport à un autre type de construction ». Le décret du 8 mars 2023 est venu préciser les modalités de cette dérogation.

De plus, une nouvelle dérogation à l’obligation prévue par le PLU de construction d’aires de stationnement pour les automobiles sous condition de réalisation d’aménagements vélos a été créée. L’autorité compétente peut réduire l’obligation mise à la charge des constructeurs « à raison d’une aire de stationnement pour véhicule motorisé » en contrepartie de la création d’infrastructures ou de l’aménagement d’espaces permettant le stationnement sécurisé d’au moins 6 vélos par aire de stationnement.

Enfin, le nouvel article L. 152-5-1 du Code de l’urbanisme autorise l’autorité compétente à déroger dans des limites fixées par le décret du 23 décembre 2022 aux règles des plans locaux d’urbanisme relatives à la hauteur et à l’aspect extérieur des constructions afin d’autoriser l’installation de dispositifs de végétalisation des façades et des toitures en zones urbaines et à urbaniser.

3 – RENFORCEMENT DE LA PERFORMANCE ENERGETIQUE ET ENVIRONNEMENTALE DES BATIMENTS

Tout projet de construction de bâtiments ou parties de bâtiment à usage commercial, industriel ou artisanal, de constructions de bâtiments à usage d’entrepôts, de hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale et aux constructions de parcs de stationnement couverts accessibles au public, lorsqu’elles créent plus de 500 mètres carrés d’emprise au sol doit intégrer soit :

– un procédé de production d’énergies renouvelables,
– un système de végétalisation garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité,
– ou tout autre dispositif aboutissant au même résultat.

Ces obligations doivent être réalisées en toiture du bâtiment ou sur les ombrières surplombant les aires de stationnement, sur une surface au moins égale à 30 % de la toiture ou des ombrières du bâtiment construit ou rénové de manière lourde.

De plus, lorsqu’ils font plus de 500 m2, les nouveaux parcs de stationnement extérieurs ou les parcs de stationnement associés aux bâtiments concernés par les obligations précitées, à l’occasion de rénovations lourdes, ou en cas de conclusion d’un nouveau contrat de concession de service public, de prestation de service ou de bail commercial, ou de son renouvellement, doivent intégrer sur au moins 50 % de leur surface, des dispositifs favorisant l’ombrage, la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols.

Ces prescriptions s’appliqueront aux demandes d’autorisations de construction ou d’aménagement déposées à compter du 1er juillet 2023.

Un décret en Conseil d’Etat précisera la nature des travaux de rénovation lourde, affectant les structures porteuses du bâtiment et les aires de stationnement, couverts par cette obligation.

Toutefois, il existe des cas d’exonération en raison de contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales, qui ne permettent pas l’installation des procédés et dispositifs, ou lorsque cette obligation ne peut être satisfaite dans des conditions économiquement acceptables du fait de contraintes techniques. Un décret précisera les critères relatifs à ces exonérations.

4 – REVERSIBILITE

La loi Climat et résilience prévoit, préalablement aux travaux de construction ou de démolition d’un bâtiment, la réalisation d’études évaluant le potentiel de changement de destination et d’évolution de ce dernier, y compris par sa surélévation.

La personne chargée de mener cette étude devra remettre au maître d’ouvrage un document attestant de sa réalisation. Celle-ci devra être ensuite remise aux services de l’Etat compétents avant le dépôt de la demande de permis de construire.

Pour les opérations de démolition et de rénovation lourde susceptibles de produire une certaine quantité et nature de déchets, un diagnostic relatif à la gestion des déchets générés devra être réalisé. Un décret est attendu.

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