Afin de contrer la propagation du virus (qui reste, toutefois, limitée à Hong Kong – 1 018 personnes contaminées à ce jour), le gouvernement hongkongais a récemment mis en place un certain nombre de mesures qui ont eu un impact direct sur les entreprises, tout particulièrement dans le secteur du retail, de la restauration et de l’hôtellerie : de nombreux commerces de détail et de loisirs ont ainsi été fermés sur ordre du gouvernement (bars, karaokés, clubs de sport, centres de fitness…), de même que les groupes de plus de 4 personnes sont interdits dans les espaces publics depuis le 29 mars dernier.

Dans ce contexte de crise (sanitaire et économique) mondiale, le marché de l’immobilier commercial à Hong Kong (qui reste l’un des plus élevés au monde) est fortement perturbé et les bailleurs sont confrontés à une forte pression des locataires (notamment les groupes dans le secteur du luxe ou du retail) pour renégocier les baux commerciaux traditionnellement extrêmement favorables aux propriétaires.

Le Covid-19 permet-il à un locataire de résilier le bail commercial ou de suspendre le paiement des loyers ?

Le Covid-19 est-il considéré comme un cas de force majeure à Hong Kong ?

En droit hongkongais, le concept de force majeure ne s’appliquera que si les parties ont inclus une clause de force majeure dans le contrat de bail. La force majeure se réfère habituellement à un ou plusieurs événements identifiés (guerre, grève, émeutes…) échappant au contrôle des parties permettant à l’une ou l’autre (i) d’annuler le contrat ; (ii) d’être dispensées de l’exécution du contrat ; (iii) de suspendre l’exécution du contrat ou encore (iv) de demander une prolongation du délai d’exécution du contrat.

La partie qui invoque la force majeure devra, en principe, prouver les éléments suivants :

(a) l’événement (par exemple, fermeture du local commercial ou du fonds de commerce imposée par le gouvernement) est couvert par la clause de force majeure. Une attention particulière devra être apportée à la rédaction de la clause. Certaines clauses pourront se référer expressément au cas de « maladie », « épidémie » ou « quarantaine », tandis que d’autres viseront en des termes plus généraux à des « cas de force majeure » ou à des « circonstances indépendantes de la volonté des parties » ;

(b) une des parties au contrat a été empêchée, entravée ou retardée dans l’exécution du contrat en raison de cet événement ;

(d) la partie défaillante n’était pas en mesure de prendre des dispositions raisonnables afin d’éviter ou d’atténuer l’événement ou ses conséquences.

La question de savoir si les circonstances découlant de l’épidémie de Covid-19 seront considérées comme un cas de force majeure dépendra, in fine, de la rédaction de la clause et de son interprétation par les tribunaux hongkongais.

Covid-19 et le concept de « frustration » en « common law »

En l’absence de clause de force majeure, les preneurs pourraient se fonder sur le concept de « frustration » en « common law » pour demander la résiliation anticipée du contrat de bail. Cette doctrine, proche de la théorie de l’imprévision en droit français, pourra être soulevée s’il est établi qu’un évènement indépendant de la volonté des parties rend l’exécution du contrat impossible ou trop radicalement différente de ce qui avait été initialement envisagé par les parties lors de la conclusion du contrat, de telle sorte qu’il serait injuste de maintenir les parties dans leurs obligations contractuelles initiales.

Le concept de « frustration » est, toutefois, admis très restrictivement par les tribunaux : il ne sera pas recevable si le contrat comporte une clause de force majeure ou si l’impossibilité d’exécuter le contrat relève d’un manquement par l’une des parties à ses obligations contractuelles. Par ailleurs, un changement des circonstances économiques est, en principe, insuffisant pour permettre l’application du concept de frustration. Ainsi, le simple le fait qu’un contrat soit devenu plus onéreux à exécuter pour l’une des parties ne suffit pas, en principe, à justifier la résiliation d’un contrat sur ce fondement.

La question de savoir si l’épidémie de Covid-19 pourrait constituer un motif de résiliation des baux commerciaux sur le fondement du concept de « frustration » reste ouverte et dépendra des circonstances de chaque cas d’espèce. Il n’existe pas, à ce jour, de décisions récentes des tribunaux hongkongais. Il est, néanmoins, pertinent de dresser un parallèle avec l’épidémie de SRAS en 2003 qui a offert un exemple jurisprudentiel intéressant en 2004 (Li Ching Wing c. Xuan Yi Xiong [2004] 1 HKLRD 754) : le tribunal avait, en effet, rejeté la demande de résiliation d’un bail commercial par un locataire sur le fondement de cette doctrine au motif que la mesure d’isolement imposé au locataire gérant affecté par la maladie avait eu pour effet de provoquer la fermeture du magasin uniquement pendant une période courte (10 jours) au regard de la durée du bail (2 ans). A la lumière de cette décision, il semblerait donc que les mesures actuelles de fermeture de certains emplacements imposées par le gouvernement ne puissent constituer un cas de « frustration » que si ces mesures ont vocation à s’inscrire dans la durée.

Leviers alternatifs à la disposition des locataires

Mise en œuvre de clauses destinées à protéger les locataires

Les baux commerciaux à Hong Kong contiennent généralement des clauses permettant la réduction du loyer en cas de survenance d’évènements rendant le local commercial inaccessible. Ainsi, les mesures de fermeture provisoire d’établissements dans certains secteurs d’activité devraient pouvoir permettre aux locataires de demander une réduction de loyers sur le fondement de ces clauses (« abatement of rent »).

Par ailleurs, les preneurs devront vérifier si leurs contrats de bail contiennent des clauses de résiliation anticipée (« break clause ») permettant une sortie du contrat avant son terme moyennant le respect d’un délai de préavis contractuellement fixé.

Conditions de renégociation des baux à Hong Kong

En l’absence de clauses contractuelles particulières protégeant les preneurs, les conditions, notamment financières, des baux pourront toujours être renégociés avec les propriétaires. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la plupart des grands groupes immobiliers, propriétaires notamment des centres commerciaux à Hong Kong, ont, sous la pression du gouvernement et des locataires, commencé à proposer des réductions de loyers (jusqu’à 50 % dans certains emplacements), des différés de paiement ou loyers gratuits.

Bailleurs et preneurs pourront également négocier des conditions de résiliation anticipée des contrats de bail via la signature de « surrender agreement » qui devront être rédigés avec soins afin de déterminer les conditions de sortie du bail (délais, indemnisation…).

Nicolas Vanderchmitt (LPA Hong-Kong) : "l’impact du Covid-19 sur les baux commerciaux"