Rappelons le parcours – sans faute – de notre « Pierre d’Or ». Natif du Calvados (mais son nom – et son deuxième prénom, Mario – fleurent bon son Italie familiale), le jeune Alain bosse ferme pour réussir HEC : après avoir vendu des appartements à Parly 2 (rien de tel pour vous faire connaître la réalité du métier), il rejoint le groupe familial Brémond, une (petite alors) entreprise de promotion immobilière, pour prendre la direction de son pôle loisirs… ce qui va devenir Pierre & Vacances, dont il va assurer la direction générale, avec un sacré succès. Mais, en 1994, l’aventure entrepreneuriale le tente : il lance Altarea, « au plus mauvais moment. Ce fût ma meilleure décision » commente-t-il avec l’ironie recherchée que chacun lui connaît. Les projets et programmes s’enchaînent (Bercy Village au premier chef) et en 2007, il acquiert Cogedim, se diversifie à l’international. Quelques chiffres pour illustrer la réussite de son entreprise ? Le chiffre d’affaires 2020 a dépassé les 3 milliards d’euros, le résultat net récurrent (malgré la pandémie !) a atteint 230 millions d’euros… et – chiffre essentiel – le portefeuille de projets immobiliers atteignait une valeur potentielle, au 31 décembre 2020, de 19 milliards d’euros, représentant la bagatelle de plus de 4 millions de mètres carrés. N’en jetez plus ! L’homme, lui, ce n’est pas un scoop, est secret et même introverti à l’inverse du cliché de l’italien hâbleur et prolixe. Mais il a changé : lors de notre entretien, pour sa « Pierre d’Or du Professionnel de l’année » 2012 (neuf ans déjà !), on l’avait senti ten- du, sur ses gardes, méfiant. Et les bureaux de l’avenue Delcassé n’incitaient pas à la franche rigolade.

On préfère user de la litote… Aujourd’hui, dans le nouveau siège d’Altarea 87, rue de Richelieu, signé Wilmotte (et vendu, sans perte de temps, à CNP Assurances dès 2018), on le sent apaisé et, si on osait, heureux « de la réussite des équipes » précise-t-il immédiatement. Il est vrai que l’immeuble a été véritablement transmuté : les invités aux « Pierres d’Or » 2021 pourront enfin – après la difficile période de pandémie – en découvrir tous les recoins. Développé sur 33 000 m2, le projet visait à « restructurer entièrement l’immeuble existant, ancien siège d’Allianz, pour l’amener aux meilleurs standards tout en respectant l’esprit de la conception d’origine ». Résultat (réussi), le « 87 Richelieu », toutes façades refaites, est méconnaissable : en plus de profiter « du plus grand espace vert du 2ème arrondissement » avec 2 200 m2 de terrasses végétalisées extérieures, il dispose d’un food court, d’un espace bien-être, mais aussi d’un grand business center. Pour faire bonne mesure, une programmation artistique ambitieuse a associé des artistes de renom (une très belle œuvre de Penone dans le hall, par exemple) à des jeunes talents issus de l’École des Beaux-Arts. Dans les couloirs (et même dans les escaliers), partout des œuvres vivantes, colorées égaient l’espace… Une mue immobilière qui va bien au maître des lieux dont le bureau, lui aussi, n’a plus rien à voir avec la (grande) sobriété des anciens locaux. Et ce grand patron semble souriant quand il évoque son livre de chevet « depuis longtemps » : « Le guépard ». Mais, contrairement au héros de Lampedusa, on ne perçoit nulle nostalgie chez Alain Taravella. Au contraire, ajoute-t-il, « plus que jamais, notre devise reste : « à l’attaque »…

Pascal Bonnefille

LES PORTRAITS DE NOMMES :

Eric Donnet (Directeur général – Groupama Immobilier)

« Voir grand, voir loin, faire ensemble »

Des professionnels attachants dans ce secteur d’activité, il y en a plus d’un ! Et Eric Donnet en fait partie. Ce père de trois enfants, qui encense son épouse, et peut-être plus encore depuis la crise de la Covid-19 qui a bouleversé les habitudes de vie, de travail, les relations, jusqu’aux échanges, est aussi l’homme de Groupama Immobilier.

Et le directeur général subodore que sa nomination aux « Pierres d’Or » s’explique par deux temps forts en 2020 : l’aboutissement du 79, avenue des Champs-Elysées (vendu, pour rappel, 613 millions d’euros à Norges Bank), devenu le flagship de Nike, et la finalisation des accords avec Total Energies et le constructeur Vinci, le 14 mars dernier, pour le Befa de la tour The Link, à La Défense, dont l’architecte est Philippe Chiambaretta. « Une tour tricolore » aime à dire Eric Donnet qu’il qualifie de « mega deal », de « plus grand ensemble » et qui sera « la plus haute tour de France ». « The Link » sera livrée en mars 2025 et Total y installera donc son siège social. « Un projet de 10 ans, un travail d’équipe » ajoute-t-il.

« Voir grand, voir loin, faire ensemble est une belle feuille de route pour la décennie qui s’ouvre » souligne Eric Donnet. Des perspectives qui collent parfaitement à la Raison d’être de Groupama Immobilier qui est : « construire ensemble et en confiance ». Côté projets, ses ambitions, à horizon 2025, sont de « repenser la ville de demain et de participer à la réécriture et à la réflexion de l’axe majeur (des Champs-Elysées à La Défense) ; doubler la taille du patrimoine de Groupama Gan Reim en passant de 1 à 2 milliards d’euros ; continuer à inventer sur la transition numérique et écologique ; préserver la biodiversité ; avancer sur les projets immobiliers du groupe et ils sont nombreux »…

Côté événement, Groupama Immobilier participe à l’habillage de l’Arc de Triomphe par Christo du 18 septembre au 3 octobre prochain. Sans oublier cette formidable initiative d’offrir 1 200 chênes qui serviront à la reconstruction, à l’identique, de la charpente de Notre-Dame de Paris, partie en flammes en avril 2019. Adepte du temps long, Eric Donnet aime Jean Viard et René Char dont il cite de ce dernier ces quelques mots – une belle conclusion – : « impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque »…

Valérie Garnier

Karim Habra (Directeur général Europe et Asie-Pacifique – Ivanhoé Cambridge)

Le monde pour théâtre…

Né au Liban, Karim Habra a rejoint la France au milieu des années quatre-vingt pour y faire ses études à Paris et décrocher, à Dauphine, un master en Finances.

Une formation qui explique son entrée dans l’immobilier par la finance, au hasard d’une petite annonce pour General Electric Real Estate (GE RE). Ce qui le passionnait, plus que l’immobilier, c’était la croissance. Mais un de ses dirigeants lui a glissé ce conseil : pour devenir un bon investisseur, il faut que tu aimes l’immobilier ! Le conseil a porté. S’il est aussi passionné de théâtre, au point d’avoir un temps songé en faire son métier, son théâtre est désormais l’immobilier.

A 25 ans, le voilà parti à Prague en charge de l’ouverture d’un bureau pour investir dans l’Est de l’Europe. Un milliard d’euros d’actifs constitués en deux ans. Succès au rendez-vous, Karim Habra se voit nommé à 28 ans directeur général Europe Centrale pour GE RE.

Nouvelle aventure, aussi à Prague, avec la création de JER Partners Europe, où il est en charge des fonds européens. Karim Habra est de retour à Paris en 2015 où Lasalle Investment Management l’appelle pour diriger le bureau de Paris, puis en 2017 où sa mission s’élargit à l’Europe.

Le tropisme vers l’Occident s’épanouit en 2018 lorsqu’il rejoint l’acteur canadien Ivanhoé Cambridge pour son bureau de Paris et dès 2019 où sa responsabilité s’élargit à la plateforme Asie-Pacifique.

Cette appréhension mondiale de l’investissement donne à Karim Habra une vision très large de l’immobilier. D’abord vu comme actif physique, l’immobilier a été une première fois bouleversé dans les années quatre-vingt dix par la financiarisation, importée du monde anglo-saxon. Mais une deuxième révolution est en passe de se produire, analyse Karim Habra, c’est celle de la flexibilité du service. Exemples : les Tours Duo, acquises par Ivanhoé en 2013, qui vont être livrées cette année, offriront une mixité d’usages. Un ensemble de 4 000 m2, boulevard Voltaire, acquis pendant le confinement, associera des projets mixtes.

En dépit de la crise sanitaire, l’investissement à été très actif en 2020 puisqu’Ivanhoé Cambridge a investi un milliard d’euros en France. Karim Habra est aussi confiant pour 2021 s’appuyant sur une stratégie à long terme fondée sur les nouvelles exigences du monde de demain.

Bertrand Desjuzeur

Isabelle Scemama (Global head – AXA IM Alts / CEO of AXA IM Real Assets)

La Cheffe des alternatives

Déjà nommée l’an dernier aux « Pierres d’Or » dans cette même catégorie, Isabelle Scemama était alors CEO d’AXA IM Real Assets ; on la retrouve cette année « global head of AXA IM Alts » et toujours « CEO of AXA IM – Real Assets ».

Cette suractive Sciences Po Paris 89 préside, en effet, depuis un an une « business unit » de 157 milliards d’euros consolidés ! Et la gestion quotidienne qui va avec, de 700 collaborateurs répartis dans 16 bureaux et de 350 clients (« zinzins », gros « family offices » et de rares particuliers), dans le monde entier !

Elle fêtera en septembre ses vingt ans chez AXA où elle est entrée au financement immobilier. Avec cette récente création d’une entité opérationnelle dédiée aux investissements alternatifs sous sa direction, elle élargit son terrain de jeu aux matières premières et au « private equity », en bonne élève de l’école AXA, petit assureur normand (la Mutuelle de Rouen originelle a été créée en 1817) entré dans la gestion d’actifs juste avant 2000 et devenu en à peine un quart de siècle un des premiers européens multi-expert du métier avec 869 milliards d’euros sous gestion (au 30 juin 2019).

Pas de quoi lui donner le vertige : « je suis si heureuse de ce nouveau challenge, il arrive exactement au bon moment » déclarait-elle au « Financial Times » (édition du 5 juillet dernier), qui titrait : « Building a greener future stretches AXA’s alternatives chief ». Une forme de consécration. Mais la voilà prévenue qu’elle est désormais attendue pour construire un avenir plus vert. Rien que ça…

La « cheffe des alternatives » sait pouvoir compter sur les forces de son groupe, « sa fine connaissance des bilans bancaires, combinée à l’excellence de ses équipes d’analyse crédit ». C’est elle qui le dit, dans l’argumentaire de sa présentation sur le réseau Linkedin. Elle en aura besoin pour « développer des initiatives novatrices dans la thématique des “loans” » (in Linkedin toujours) et transformer en opportunité le mouvement actuel de désintermédiation bancaire que l’après-Covid ne devrait qu’accélérer.

Son entrée, en novembre dernier, au capital de REI Habitat en est un bon exemple. Agissant pour le compte d’un de ses clients, Isabelle Scemama a pris 49 % du capital de ce promoteur constructeur créé à Montreuil il y a dix ans par Paul Jarquin (« Trophée Logement et Territoires Promoteur » en 2018) : « ce partenariat avec REI Habitat témoigne de notre engagement dans le développement de la promotion immobilière bois, avec une approche dont nous partageons complètement les objectifs, notamment en matière de gestion responsable de la forêt, de sa protection et de la préservation de la biodiversité ».

Brice Lefranc

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