« Flex-in » et « flex-out »

Notamment poussé par les startup et les grands groupes, le « flex office », en français « bureau flexible », définissait déjà depuis plusieurs années de nouvelles façons de travailler. Cette tendance désormais bien connue se meut en deux catégories inter- complémentaires : le « flex-in » et le « flex-out ». Le « flex-in » reste le « flex office » tel que nous le connaissons : plus de postes individuels, plus d’open space. A la place, de grandes pièces aménagées, design et lumineuses, où les salariés « sans bureau fixe » vaquent à leurs activités, collaborent et se réunissent au sein des locaux de leur entreprise.

Le « flex-out », ou le travail « flexible hors les murs », se définit par la consommation d’espaces de travail en dehors du sacro-saint siège de l’entreprise. Les collaborateurs souhaitent profiter d’espaces variés tels que les tiers-lieux ou le coworking, là où ils se trouvent, partout en France. En plein boom, ce nouvel usage adopté par de nombreuses entreprises offre, ainsi, la liberté de s’affranchir de son lieu de travail pour déterminer son lieu de vie. Face à ces nouvelles demandes, cette hybridation voit naître des nouveaux acteurs et de nouvelles offres sur le marché, se situant à mi-chemin entre l’hospitalité, le coliving et le co- working. Bien plus que des postes de travail, ils proposent de véritables expériences en soumettant aux services ressources humaines et aux décideurs des alternatives innovantes pour dépasser les frontières du bureau traditionnel, les aidant ainsi à fidéliser leurs talents, à travailler leur marque employeur, leur culture d’entreprise et leur impact. Une chose est sûre : à l’aune de 2023, l’expérience collaborateur est au cœur des organisations et de leurs problématiques.

Une troisième voie de choix pour l’entreprise : le bureau opéré

Créé en réponse à ces nouvelles attentes, le bureau opéré (BOP) se situe à la croisée des chemins entre bureau traditionnel et coworking. Il offre un espace de travail privatif et indépendant alliant flexibilité du bail commercial et offre servicielle, en mesure de s’adapter aux usages des utilisateurs avec des modèles d’exploitation hybrides. Le BOP offre aujourd’hui une troisième voie pour les entreprises, dont la proposition de valeur répond parfaitement à son dilemme : allier contraintes économiques, flexibilité et transformation des organisations.

Le BOP revalorise l’actif dans lequel il se trouve, d’une part et l’entreprise qui s’y installe, d’autre part. Une solution créatrice de valeur qui participe à la transformation de l’offre, en impactant le modèle économique du secteur et l’intégralité de la chaîne de valeur jusqu’à la gestion immobilière et l’investissement.

À date, 50% des modes bureaux opérés sont gérés d’un côté par des acteurs qui font exclusivement du BOP et, de l’autre, par des acteurs du coworking. Se créant surtout par opportunité, au gré des besoins des entreprises et des utilisateurs, le marché du BOP vient réduire toujours plus la frontière entre bureau opéré et coworking car les acteurs sont capables de modifier leurs espaces et leur modèle d’exploitation pour répondre aux besoins de leurs clients.

Face à un marché parfois frileux, l’avantage principal des opérateurs de bureaux flexibles reste la flexibilité du contrat et permet de rassurer les entreprises à la signature en ne les engageant pas sur des durées de 36 mois minimums, tout en leur permettant de prolonger ou faire évoluer l’offre dans le temps au gré de leurs usages.

L’engouement pour les BOP dans l’ensemble de l’Hexagone est tel que l’offre des opérateurs de bureaux flexibles s’étoffe en régions, avec l’arrivée sur le marché de nombreux acteurs du bureau opéré.

Tous les indicateurs montrent que la demande en régions se multiplie et que cette délocalisation massive entraîne une hausse de leur tarification en 2023, à l’instar du marché parisien. Les entreprises sont, en effet, prêtes à payer plus pour offrir à leurs collaborateurs des aménagements adaptés et personnalisés en fonction de leur mode de travail. Casser les silos, limiter les temps de transport, favoriser le collaboratif, mais aussi disrupter les modes de pensée font notamment partie de leurs objectifs majeurs. Les entreprises amènent, ainsi, directement dans ces nouveaux bureaux qui sont les leurs l’esprit et les modes de travail du coworking. Et les opérateurs flexibles l’auront bien compris.

L’offre de coworking se développe massivement dans nos régions

Le coworking n’est plus un marché uniquement parisien. L’offre faisant la demande, le marché du coworking en régions se développe bien et semble trouver son marché. Ainsi, la délocalisation du travail hors Capitale s’est largement amorcée et l’enjeu principal est la multiplication des acteurs en province, afin de développer encore plus rapidement et massivement l’offre de bureau flexible.

Alors que 25 des plus grands acteurs du marché ont annoncé l’ouverture d’à minima 200 000 m2 dans les 18 prochains mois sur le territoire hexagonal, soit près de 23 % de la taille de leur parc global, il ne fait aucun doute que le marché français du coworking poursuivra sa forte croissance. De nombreuses grandes villes en France connaissent également une belle croissance de l’offre disponible. Le groupe historique IWG au travers de ses cinq marques (Regus, HQ, Stop & Work, Spaces et Signature) dispose, aujourd’hui, de 121 adresses sur l’ensemble du territoire, dont plus de la moitié sont situées en régions. De nombreux signaux annoncent, cependant, un renouveau du coworking avec l’arrivée de nouveaux acteurs, dans la Capitale comme dans nos contrées régionales.

Ainsi, les géants français de l’immobilier tertiaire qui considèrent sérieusement la conversion de leur parc en flexible pour se rapprocher davantage des nouveaux usages de leurs clients. A l’instar de la RATP qui lance sa marque Urban Station, d’Icade poursuivant le développement de sa filiale Imagine Office ou La Française Real Estate Manager officialisant Wellcome en s’appuyant sur des partenaires spécialistes du bureau opéré comme Hiptown. La conversion du parc de bureaux traditionnels en bureaux flexibles est encore jeune, mais cela ne fait aujourd’hui plus aucun doute, l’ensemble des grands propriétaires vont dans un avenir proche développer en propre leurs offres flexibles ou s’appuyer sur des partenaires pour le faire.

Côté nouveaux acteurs, les futurs grands noms du coworking sont en régions et leur ambition est dévorante. Newton Office, Now Coworking et Bureau & co comptent, d’ores et déjà, d’ouvrir plus de 69 000 m2 de coworking entre 2023 et 2024. Les nouvelles tendances s’installent en région et se développent à grande vitesse pour soutenir l’exode parisien.

L’impact au cœur de la stratégie immobilière des entreprises

Soucieuses de l’empreinte qu’elles produisent, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à prendre en compte l’impact environnemental dans leur choix de bureau(x) en 2022. Une modernisation du parc de l’immobilier tertiaire est déjà en cours : les immeubles sortis de terre ces dernières années sont toujours plus souvent labellisés pour la réduction de leurs émissions de CO2 (notamment par les labels les plus répandus comme BREEAM et HQE). Cette rénovation du parc immobilier est accélérée par la perspective du décret tertiaire, prévoyant d’ici 2030 la réduction des émissions des actifs de plus de 1 000 m2.

L’impact des travaux et de l’aménagement, et l’exploitation du bâtiment entrent aussi dans les nouveaux arbitrages des entreprises : provenance des matériaux, durée de vie de ceux-ci et durée d’exploitation de l’actif sont des éléments étudiés et pris en compte dans les problématiques d’impact. Plusieurs acteurs du bureau flexible en sont déjà bien conscients à l’image de Morning, récemment certifié BCorp, grâce à sa ligne de mobilier éco- conçu et le sourcing de ses matières premières sur l’aspect travaux. Leader du bureau opéré, Deskeo réalise, quant à lui, un bilan carbone sur l’ensemble de ses activités et Hiptown équipe la majorité de ses espaces avec du mobilier de seconde main.

La sobriété sera donc la clé et une première étape dans les problématiques d’impact environnemental des entreprises. Chaque entreprise a la capacité, aujourd’hui, de veiller à son empreinte immobilière en étant sûre d’occuper la surface cible dont elle a besoin.

La transformation est déjà en cours puisqu’on observe depuis la crise sanitaire, une réduction des surfaces avec des taux d’occupation des lieux de travail ne dépassant pas les 60 %. Économiquement intéressant, ce phénomène permet à l’entreprise de réduire l’impact de chaque mètre carré en travaux, en aménagement et en exploitation.

La question du télétravail s’inscrit, elle aussi, dans les stratégies d’impact environnemental et interroge à nouveau sur les stratégies immobilières des entreprises. En septembre 2022, avec la flambée des prix de l’énergie, Stanislas Guerini (ministre de la Transformation et de la Fonction Publique) a proposé avec le ministère du Travail de favoriser le télétravail cet hiver dans les entreprises afin de fermer des bâtiments publics pour éviter une consommation excessive de chauffage. Sous l’angle énergétique, la question de la semaine de quatre jours revient également. Fermer les bureaux le vendredi permettrait de réduire de plus de 20 % les émissions carbone des entreprises, en comptant celles liées aux trajets domicile-travail. Encore faut-il que ce temps libre ne soit pas uniquement utilisé pour voyager.

Dans un contexte inflationniste, l’arbitrage économique de la rentabilité met à mal les actions d’impact environnemental. La question de l’impact économique et de rentabilité s’oppose alors à la question de l’impact environnemental, c’est la grande question à laquelle devront faire face les entreprises dans les prochains mois…

La digitalisation des entreprises, des compétences et la mobilité impliquent un changement de paradigme dans le monde du travail. De plus en plus de collaborateurs ont l’opportunité de travailler à distance. Ce phénomène de nomadisme est très prisé des nouvelles générations, qui ne cherchent plus nécessairement à séparer sphères professionnelle et privée et restent à l’affût d’un environnement de travail qui leur ressemble.

Les différents modèles se sont développés ou construits autour de ce phénomène désormais installé. Pouvoir travailler dans une pluralité d’environnements qui libère la créativité, le travail en mode collaboratif, le bien-être des salariés et participe à l’efficacité et à la productivité, et proposer des lieux de travail fiables et confortables, basés sur la convivialité, constituent une alternative à la location classique de bureaux appréciée par les entreprises qui ne souhaitent pas s’engager sur des baux fermes et investir dans l’achat d’équipements. Les propositions de bureaux pour répondre à ces demandes croissent selon différentes formules, à Paris, dans les grandes agglomérations régionales ou dans d’autres villes de province de taille. Des formules à la carte qui séduiront le plus grand nombre, quelle que soit la situation…

Mehdi Dziri (Ubiq) : la mutation du marché du bureau s’accélère...