A moins de 50 ans et déjà dans la cour des très grands, il préside désormais le pôle promotion unique voulu par Thierry Laroue-Pont, le président de son groupe et son mentor. Réunir résidentiel, immobilier d’entreprise et grands projets sous commandement unique est le fruit d’une réflexion ancienne, sans doute accélérée en temps de pandémie. On l’a dit, notre « Pierre d’Or » 2021 ne connaît pas la pause et a profité des derniers mois pour penser et mettre en place une offre mixte qui réponde à une demande de plus en plus récurrente de ne plus compartimenter les projets. « Il faut dé-si-lo-ter » !

« Nous nous sommes réorganisés et tournés vers nos clients, acteurs publics en amont, autant qu’investisseurs, clients particuliers, situés en aval. Les portefeuilles mixtes répondent à leurs nouvelles exigences. Nous sommes, sans doute, l’un des tous premiers opérateurs à avoir restructuré nos activités de promotion en cohérence avec les besoins du marché » déclarait-il à Catherine Bocquet, sur « Immoweek » le 15 mars dernier.

Olivier Bokobza, un homme pressé, formé à l’école du client vous disait-on… Aujourd’hui entouré de 400 collaborateurs, ayant réalisé ensemble près d’un milliard et demi de chiffre d’affaires consolidé, soit trois mille logements en quatre ans, en faisant plus que doubler le nombre de mises en chantier chaque année, entre le début et la fin de cette période !

« Mon job, c’est d’ouvrir tous les chakras de mes équipes » ajoute-t-il pour expliquer les performances chiffrées. Une invocation inattendue des sept chakras de l’hindouisme comme s’il s’agissait des sept piliers de la sagesse immobilière.

« Je suis issu d’un monde qui ne s’occupait pas de bureau, mais de logement. Ce qui n’a pas grand chose à voir. Ce ne sont pas les mêmes produits, pas les mêmes clients… Depuis quatre ans, j’ai progressivement inversé la proportion logement/ bureau. Or, très peu de pros du logement vont vers le bureau. Ce qui me singularise. J’ai dû apprendre à ouvrir mes chakras avant d’inviter mes équipes à le faire… ».

Un changement de profil personnel en ligne avec la nouvelle feuille de route stratégique affichée par BNP Paribas Real Estate depuis quelques années : « une nouvelle urbanité humaine et durable ».

Et Olivier Bokobza de citer deux opérations pour illustrer magistralement ce changement. D’abord, les deux bâtiment mixtes « V2 » et « V3 », sur le campus tertiaire des Docks de Saint-Ouen, au pied de la ligne 14, 70 000 m2, dont 56 000 de bureaux, « drivé de A à Z », dans le cadre de la consultation Inventons la Métropole du Grand-Paris «qui fût peut-être mon plus grand combat ». Puis le bâtiment « 17&CO », un îlot du Grand-Paris, Porte de Saint- Ouen, 18 000 m2 mixtes, dont une partie consacrée à un établissement d’enseignement supérieur, « une Vefa « en blanc », à 3 chiffres, que nous venons de céder à Allianz Real Estate et à la Caisse des Dépôts ». Ces deux opérations sont distantes de quelques centaines de mètres, implantées entre Seine et périphérique, un entre-deux villes appelé à devenir – par volonté politique au départ (faire profiter ce territoire déshérité de la manne créée par le Grand Paris Express), plus que par anticipation raisonnée – un quartier d’affaires du monde d’après. Trois immeubles en tout, totems visibles de loin et qui font tout pour se faire remarquer. Serre végétale, roof- top quasi forestier, coliving indoor/outdoor. Mais également, c’est promis, le niveau de performance environnementale le plus élevé. « V2 » et « V3 » seront mêmes ultra vertueux, avec sept (retenez le chiffre sept) certificats et labels !

Le tout récemment promu président promoteur, ci-devant « Pierre d’Or » 2021, en charge de la promotion de la première banque française, 10ème groupe bancaire international, sait dire ce qu’il doit aux 14 années – dont huit en direct – passées sous l’autorité de Philippe Zivkovic : « il m’a appris le brokerage, mais c’est également lui qui m’a mis sur la route de la promotion… Thierry Laroue-Pont, mon président, m’a nommé en 2016 à la tête du résidentiel ». Le past-président et l’actuel président de BNP Paribas Real Estate cumulent à eux deux sept « Pierres d’Or » ! Sept, chiffre sacré.

Brice Lefranc

LE PORTRAIT DES NOMMES

Audrey Camus (vice-présidente, développement et gestion d’actifs Europe – Ivanhoé Cambridge)

« Chef d’orchestre »

Pour Audrey Camus, diplômée de l’École Spéciale des Travaux Publics, devenir vice-présidente, développement et gestion d’actifs Europe chez Ivanhoé Cambridge n’était pas une évidence.

Et pourtant, même si elle affirme que le secteur « n’était pas une vocation », le hasard des grandes écoles, ou le destin, la pousse très vite vers l’immobilier, puisqu’elle intègre Icade en 1998. Recrutée comme chef de projets, elle gravit les échelons jusqu’aux postes de responsable des grands projets, puis de directrice du développement. Au sein du groupe, elle développe l’amour des opérations d’envergure. Une passion qui se confirme lorsqu’elle intègre Covivio en qualité de directrice de projets et se voit confier l’activité promotion du groupe. Alors qu’elle dirige au départ une équipe de cinq personnes, elle quitte la société en août 2019 avec cinquante personnes sous sa direction. De quoi attiser l’intérêt d’Ivanhoé Cambridge qui fait appel à un chasseur de tête pour la recruter. L’aventure était lancée pour celle qui décrit son rôle comme celui d’un « chef d’orchestre qui contribue à la fabrique de la ville ». Sur cette mélodie, elle parle avec passion de la dernière grande opération en date du groupe, qui sera livrée au cours de cette année : les Tours Duo, imaginées par Jean Nouvel, d’une hauteur respective de 180 et 122 mètres. « C’est pour des projets comme ceux-là que je fais ce métier » confie-t-elle. Occupé par la Banque Natixis, l’ensemble proposera, sur plus de 100 000 m2, une offre de bureaux, un hôtel, un bar avec une vue panoramique sur Paris, un auditorium, des commerces, des jardins et des terrasses végétalisées. De quoi remplir ses journées au sein d’Ivanhoé Cambridge où elle gère un patrimoine réparti entre la France, l’Allemagne et l’Angleterre. Un parcours qui lui vaut à présent une nomination aux « Pierres d’Or », dans la catégorie « Promoteur ». Outre l’Europe, à laquelle elle est fortement liée de par son rôle au sein du groupe, Audrey Camus est une grande passionnée d’architecture du monde : des buildings de Chicago, aux constructions futuristes de Tokyo à Kyoto. Si les voyages ponctuent son quotidien, c’est la musique qui donne le rythme. Après dix années passées au conservatoire, où elle s’illustre à la clarinette, Audrey Camus reste fidèle à son premier amour, la musique classique, l’art lyrique, qu’elle retrouve, après une journée de travail, sur les fauteuils de l’Opéra.

Anaïs Divoux

Jean-Frédéric Heinry (président – Altarea Entreprise Studio)

« Extrêmement noble »

Ce qui caractérise Jean-Frédéric Heinry, c’est qu’il n’aime pas parler de lui, mais qu’il adore parler des immeubles d’Altarea ! Et notamment celui du siège du groupe, le « 87 Richelieu », en plein cœur de Paris, développant plus de 30 000 m2 : une restructuration signée Jean-Michel Wilmotte.

Le président d’Altarea Entreprise Studio a des étoiles dans les yeux lorsqu’il évoque les terrasses, les balcons, « les plus de 2 000 m2 d’espaces verts, la modernité en terme de confort pour les salariés, le magnifique hall d’accueil et son café ». Il s’enorgueillit d’un bilan carbone « treize fois plus faible qu’une démolition/reconstruction ». Il évoque également la livraison de « Bridge », à Issy-les- Moulineaux, le nouveau siège monde d’Orange réalisé par Jean-Paul Viguier: un immeuble neuf, développant 56 000 m2 de bureaux, qui n’est pas une tour. « C’est un vrai morceau de ville, en lieu et place d’une friche industrielle ». Et ajoute : « cet immeuble possède l’atrium le plus spectaculaire de France ! ». Ses yeux s’illuminent lorsqu’il souligne que « ces deux immeubles sont de véritables prototypes d’un immeuble de bureaux post-Covid ; un lieu qui donne envie aux salariés de venir travailler. Pas comme à la maison, mais mieux qu’à la maison ! ».

D’origine Bretonne, Jean-Frédéric Heinry est un homme de produits, de projets et de convictions. « Je suis têtu, mais à l’écoute ; entier et fidèle, et j’aime lorsque l’on sait me convaincre » dit-il en souriant. C’est, à peu de choses près, les seuls traits de caractère qu’il accepte de dévoiler. Parallèlement à son métier et parce qu’il aime transmettre, il enseigne la promotion immobilière à la Sorbonne. Il est aussi membre du comité de pilotage et vice-président de l’Association des auditeurs de la Fondation Palladio.

Avec une pointe de fierté, il revient deux ans en arrière lorsque le président d’Altarea, Alain Taravella, lui confie une mission de réflexion sur l’avenir du bureau et la demande des utilisateurs : c’est la naissance d’Altarea Entreprise Studio, dont il prendra la présidence.

Jean-Frédéric Heinry termine cet entretien par ces quelques mots : « j’ai la très grande chance d’exercer un métier extrêmement noble ». C’est un passionné et comme tel, il peut parler pendant des heures de sa passion !

Valérie Garnier

Xavier Musseau (président – Hines France)

« Diversification et innovation… »

Xavier Musseau a pris la présidence de Hines France en octobre dernier, succédant à Patrick Albrand. « La transition était organisée depuis dix-huit mois, mais la prise de fonction a été accélérée du fait de la pandémie » remarque-t-il.

Sitôt terminé l’ISG, il part en Corée du Sud, comme VSN (coopérant, ndlr), puis au Crédit Lyonnais où il découvre les financements bancaires internationaux. Une expérience de deux ans (1992-94) qui l’a « beaucoup construit ». De retour en France, il poursuit ses activités dans la banque avant de rejoindre Hines France en 2000. « J’ai eu au moins trois carrières au sein du groupe » : à la direction financière, puis au développement des grands pro- jets, avant de créer l’activité d’investment management. « Cette maison est incroyable et permet des parcours que je n’aurai pas initialement imaginé un jour ». On ne s’étonnera donc pas de le voir figurer dans la catégorie « Promoteur » cette année.

Le nouveau président inscrit son action sous le signe de la diversification des classes d’actifs tout en restant à la pointe de l’innovation dans le bureau. Il s’est fixé pour objectif d’investir deux milliards d’euros en France en logistique et en logement géré (coliving, résidences étudiants…). L’accord signé en début d’année avec Kaufman & Broad en est une première illustration. Il porte sur l’acquisition en Vefa de 500 logements haut-de-gamme situés en région parisienne, ainsi que dans des métropoles régionales (Tours, Aix, Bordeaux…). « Ces logements seront conservés en locatif au sein du fonds « core » pour Hines (HECF) dans une logique de distribution long terme ». En logistique, il avoue l’ambition « d’utiliser le réseau global de Hines » et mène « une réflexion sur la dimension des plateformes multimodales ».

Quant au bureau, Hines livrera fin 2021, les Tours Duo signées par Jean Nouvel. A l’été 2022 sera livrée, à La Défense, la tour Hekla, du même architecte. La crise sanitaire lui a appris que si « le bureau reste le lieu de vie de l’entreprise, il n’est pas uniquement le seul lieu de travail » remarque-t-il malicieusement en avouant avoir passé « une partie du confinement dans sa maison située sur une petite île de l’Atlantique »…

Anne Peyret

« Ouvrir les chakras » : le portrait d'Olivier Bokobza, lauréat de la Pierre d’Or 2021 « Promoteur »