Vous êtes arrivé à la tête de SNCF Immobilier quelques mois après sa création : quelle mission vous avait alors été confiée ?

Le lancement opérationnel de SNCF Immobilier a, en effet, été réalisé le 1er juillet 2015 et je suis arrivé début 2016 à sa direction. Cette création s’inscrit en droite ligne de la réforme ferroviaire engagée en août 2014 où, pour la première fois, il est imaginé que le foncier et l’immobilier de la SNCF puissent être administrés et gérés par une seule et même entité. C’est une décision et une orientation stratégique très fortes.

En quoi l’étaient-elles ?

La dispersion des propriétaires, l’hétérogénéité des stratégies immobilières et des méthodes, lorsqu’il s’agissait notamment de restructurer des installations, entraînaient des négociations parfois difficiles entre les acteurs internes. Par ailleurs, nos partenaires externes avaient, quant à eux, du mal à identifier, au sein de la SNCF, le bon interlocuteur. L’objectif de la création de SNCF Immobilier était donc d’instituer un seul intervenant dont l’objectif est une stratégie unifiée de transformation des actifs.

Cette institution d’un « interlocuteur unique » était le seul objectif ?

Non. Plusieurs objectifs étaient visés. En premier lieu, la recherche d’une meilleure connaissance de notre portefeuille immobilier : en 2015, le patrimoine immobilier de la SNCF était constitué de 25 000 bâtiments, de 8,5 millions de mètres carrés bâtis dont nous avions une connaissance imparfaite. Autre objectif, celui déjà évoqué : proposer un seul interlocuteur aux collectivités locales et aux partenaires internes et externes. Autre axe stratégique, la restructuration de tous ces actifs et la réduction de la facture immobilière. Il s’agissait de continuer à générer des liquidités à un niveau important, soit 2 milliards d’euros attendus sur dix ans au profit du groupe, via des cessions. Ce rythme, qui était déjà celui du moment, devenait plus difficile à tenir, au regard de la typologie d’actifs à céder (les plus « faciles à vendre » l’ayant été précédemment). L’idée est donc née de réactiver un outil existant, Espaces Ferroviaires, qui avait déjà réalisé quelques opérations de promotion afin de mieux valoriser nos actifs. Plutôt que de les vendre tout simplement, vendons-les aménagés et développés, avec une création de valeur additionnelle que nous avions évaluée alors à 30 % supérieure à la valeur « brute ». Enfin, le troisième pilier stratégique concerne notre action en matière de logement. La SNCF était, en 2015, propriétaire de près de 100 000 logements ; il s’agissait de dynamiser cette production, non seulement au profit des cheminots, mais également à celui des acteurs du logement social.

Ces divers objectifs ont-ils été atteints ?

Nous avons, en cinq exercices, facilité la construction, sur les terrains que nous avons cédés, de plus de 16 000 logements. Nous avons, par ailleurs, poursuivi la dynamique de cessions et vendu, entre 2016 et 2019, pour près de 800 millions d’euros d’actifs (soit 250 hectares de cessions par an, sur 20 000 hectares détenus en portefeuille) ; nous avons réalisé de belles opérations de restructuration d’installations industrielles et ferroviaires (comme à Venissieux, Hellemmes ou Romilly, par exemple), représentant un peu plus de 100 millions d’euros d’investissement en immobilier. Nous nous apprêtons à livrer, l’an prochain, pour le compte de SNCF Réseau, trois campus de formation, soit un investissement d’environ 80 millions d’euros. Ces opérations sont parmi les plus spectaculaires, mais nous réalisons aussi, chaque année, pour environ 300 millions d’opérations de restructuration diverses.

Comment avez-vous procédé ?

En intensifiant la transformation des actifs, en innovant, imaginant de nouveaux concepts. Nous avons également réfléchi aux nouveaux espaces de travail, inventé des usines digitales, numériques dès l’amont de leur conception jusqu’à l’aval, en construisant des centres de formation et des hébergements qui soutiennent la marque employeur de la SNCF. Ceci est venu répondre, en partie, à l’enjeu de recrutement des talents qui se pose à l’entreprise.

Et sur quel périmètre ?

Sur une trentaine de sites stratégiques comme Toulouse, avec la tour Occitanie ou Matabiau, Euratlantique, Nantes, Rennes, Rouen, Marseille, Paris et sur de nombreux autres, où des protocoles sont ou seront signés. SNCF Immobilier est désormais présent partout sur la place métropolitaine, grâce à des projets qui vont se concrétiser. Au cours de ce mandat de plus de quatre ans, nous avons ainsi su créer des relations renouvelées avec les collectivités, ce qui est une vraie satisfaction. En ce qui concerne « le client interne », lui aussi est satisfait, grâce aux nouvelles installations réalisées, désormais au goût du jour. Le chantier n’est pas terminé, il reste certainement plus de dix ans de travail, mais nous sommes sur le bon chemin, avec les bons standards et le bon modèle, qui s’appuie sur une reconnaissance à l’interne et à l’externe. Preuve de cette reconnaissance : Jean-Pierre Farandou (successeur de Guilllaume Pepy, ndlr) nous a confié le facility management du groupe.

Avec quelles conséquences ?

SNCF Immobilier compte, sur un total de 1 100 collaborateurs, 500 personnes qui gèrent le facility de près de 750 000 m2 d’immobilier tertiaire. A échéance de cinq ans, ce sont quelque 8,2 millions de mètres carrés qui seront gérés par SNCF Immobilier. Les bases de cette transformation sont posées et tout sera mis en place de manière définitive le 1er janvier 2021.

L’un des sujets que vous avez défendus est celui de l’urbanisme transitoire : pourquoi y avoir engagé SNCF Immobilier ?

L’urbanisme transitoire était déjà un sujet pour la SNCF, mais nous l’avons envisagé d’une manière différente. A l’origine, il s’agissait de sites mis à disposition de manière temporaire pour des ambitions artistiques ; cela concernait une quinzaine de lieux. La fréquentation par le public était modeste, mais il existait une vraie ambition. Au fil du temps, se sont manifestés, dans les jurys de sélection, non plus seulement des artistes, mais des profils très divers, avec des projets plus complexes, intégrant une dimension sociétale, sociale, de convivialité, de divertissement, très complémentaire de la dimension artistique. Ce qui a changé complètement la vision qu’avaient de ces lieux jusqu’alors fermés les élus, les acteurs de l’immobilier, les riverains et nous-mêmes. Cela a été particulièrement spectaculaire pour le site d’Ordener (Paris 18ème), avec « Grand Train », où, en un été, plus de 400 000 personnes sont venues. Sur ce site, nous avions notamment installé d’anciennes locomotives, proposé des cours de yoga, de la petite restauration… D’autres opérations emblématiques ont suivi : Hébert, avec un projet street art de très haut niveau ; Arles, dans le cadre des rencontres photographiques ; à Strasbourg, Bordeaux… Et la liste de ces lieux, qui ont aujourd’hui leur propre vie, est loin d’être exhaustive. Ils sont l’illustration de ce que peut être la transformation de la ville ou d’un lieu.

Avez-vous un regret ?

Comme souvent sans doute, on aimerait que les choses aillent plus vite. Donc s’il y avait un regret, ce serait celui du sujet de la propriété du foncier et de l’immobilier de la SNCF qui n’a pas été pleinement traité. Il existe bien maintenant une vraie branche immobilière, mais qui travaille avec des propriétaires dont le nombre va croissant. Une suite à l’histoire serait peut-être (mais cela n’était pas dans les objectifs prioritaires des deux réformes qui ont eu lieu depuis 2015) de retrouver une unicité avec un regroupement des propriétaires dans une ou deux structures maximum. Ce qui faciliterait le remembrement, la transformation. Ce sujet va revenir à l’ordre du jour, c’est certain. Il existe déjà une petite foncière qui demain, ou après-demain, pourrait devenir grande. C’est un vaste chantier, celui sûrement des dix prochaines années…

Et de quoi êtes-vous le plus fier à la fin de ce « mandat » ?

Que SNCF Immobilier se soit, d’ores et déjà, comporté comme une foncière. En 2016, nous gérions près de 8,6 millions de mètres carrés ; aujourd’hui, nous gérons 8,2 millions de mètres carrés. Nous avons pris à bail 400 000 m2 de nouveaux bâtiments modernes, optimisés, nous avons transformé et de l’autre, nous avons rompu les baux de 800 000 m2 que nous avons vendus. Nous avons ainsi traité 1,2 million de mètres carrés sur un total de 8,6 millions, soit 15 % du patrimoine de la SNCF. C’est un travail colossal, celui que fait un gestionnaire d’actifs. Lorsqu’une « vraie » foncière sera mise en place, ce travail pourra s’accélérer.

Vous quittez une entreprise au champ d’action national, un aménageur qui n’en est pas un, pour un « petit » territoire…

Je viens du monde des collectivités locales, j’ai attrapé ce virus à 23 ans et il ne m’a, en réalité, pas quitté. La preuve : j’avais dit que je ne reviendrais jamais dans une collectivité locale… sauf, peut-être, un jour, à Marseille.

Pourquoi Marseille ?

Parce que Marseille est une ville tournée vers le monde, qu’elle est aussi en soi une agglomération avec des quartiers, des « villages ». C’est une ville fascinante qu’il ne faut pas essayer de dompter, c’est une énergie sur laquelle il faut s’appuyer pour qu’elle se déploie au bénéfice des habitants. J’arrive dans cette ville à un moment où une nouvelle ère s’ouvre, avec une nouvelle équipe municipale, après un mandat long du maire précédent qui a porté le projet de Métropole. Marseille, c’est une identité forte. Alors oui, ce territoire n’est pas la France, mais il est d’une certaine manière encore plus vaste et le répète : c’est le monde. C’est ainsi que la ville se revendique, constituée de personnes venues de pays différents qui se sont installées au fil de l’histoire, et vivent ensemble. Alors oui, cela se fait parfois avec des tensions et il ne faut pas les occulter, mais Marseille c’est aussi et avant tout une vitalité extraordinaire.

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