En 2021, stabilité ou encore de la compression pour les taux de rendement ?

François Le Levier : malheureusement pour certains ou heureusement pour d’autres, en 2021 les prix vont continuer de grimper et les taux de baisser. On s’attend à 3,5 % pour la logistique. Hormis les effets conjoncturels, cette classe d’actifs est devenue un produit de placement exceptionnel.

Sébastien Lorrain : stabilité, a minima ! Nous pourrions même voir une légère compression dans certains segments de marché, notamment les résidences seniors. Il y a, en effet, beaucoup plus d’investisseurs que d’immeubles à vendre ! Quelques points de compression pourraient être enregistrés sur les rares actifs « prime » existants à céder ou encore sur les résidences gérées. Les résidences seniors devraient continuer à voir leur taux se rapprocher des taux résidentiels, notamment avec les premières reventes d’immeubles existants, générateurs de cash-flow.

Tout le monde veut faire de la logistique et du résidentiel ; pourquoi ne voit-on pas plus de volumes ?

Sébastien Lorrain : il ne faut malheureusement pas s’attendre, à court terme, à plus d’offres. Les statistiques sont, ici, édifiantes. Le marché de l’investissement était constitué à 90 % d’immeubles existants il y a deux ans… Ce n’est plus que 50 % de ce marché, puisqu’il n’y a plus rien à vendre. La solution vient donc des nouveaux développements qui ont été fortement ralentis ces dernières années. Nous tablons, du coup, sur une année 2021 stable, avec certainement une hausse des volumes à partir de 2022…

François Le Levier : les volumes moyens ont augmenté d’un tiers au cours des trois dernières années, passant de 3 à 4 milliards d’euros ! Mais ils restent limités, principalement car les propriétaires ont des stratégies de détention qui s’allongent et des problèmes de réallocation des plus-values.

Faut-il s’attendre à un décollage des loyers dans les années à venir ?

François Le Levier : pas vraiment pour la logistique XXL, mais oui pour la logistique urbaine.

Sébastien Lorrain : le sujet porte moins sur une hausse des loyers que sur l’amélioration de la rentabilité locative, notamment s’agissant des nouveaux immeubles plus performants énergétiquement et, surtout, mieux gérés.

Transformer des bureaux en logistique urbaine ou en logement, bonne ou mauvaise idée ?

François Le Levier : transformer des immeubles à étages pour de la logistique urbaine est possible, voire souhaitable, en fonction des contraintes de hauteur sous plafond et d’accessibilité.

Sébastien Lorrain : c’est toujours une bonne idée ! Mais la mise en œuvre n’est pas forcément si évidente… En Ile-de-France, l’offre immédiate en bureaux à fin 2020 était de 3 683 000 m² et d’expérience, nous voyons que 10 à 20 % des immeubles sont effectivement transformables. Mais d’autres usages sont également possibles tels que des écoles, des crèches, des centres de soin…

En une phrase, quelles sont les grandes tendances de vos marchés ?

François Le Levier : en 2021, la demande placée en logistique devrait être soutenue et les loyers stables ; les prix de vente du neuf pourraient encore gagner 10 %.

Sébastien Lorrain : changement de cap total ! Nous sommes passés d’un marché de vente d’immeubles existants à des investisseurs court terme à un marché dominé par le neuf vers des investisseurs long terme et de plus en plus internationaux…

En un mot, pourquoi faut-il investir dans la logistique et le résidentiel ?

Sébastien Lorrain : parce qu’il y a tout à faire. Il n’y a plus de parc locatif libre détenu en France. Il faut toujours garder à l’esprit qu’à peine 2 % du parc immobilier est aujourd’hui détenu en pleine propriété par les institutionnels pour du locatif libre. Cette part s’élevait à près de 25 % dans les années 1990. Il y a donc tout un pan du marché qui a été déserté à un moment donné et, aujourd’hui, nous assistons à un retour vers le locatif.

François Le Levier : parce que le magasin est dans le téléphone !

Quel est le profil type de l’investisseur de votre classe d’actifs aujourd’hui ?

François Le Levier : on compte autant de profils que d’investisseurs. Ceux qui achètent le plus cher aujourd’hui recherchent, d’abord, du rendement sécurisé sur le long terme, à l’exemple des fonds souverains et des fonds de pension ; ceux qui achètent le plus, ce sont les fonds d’investissement qui jouent le cycle à moyen/court terme.

Sébastien Lorrain : très clairement, les investisseurs long terme. Ils étaient majoritairement français jusqu’à il y a peu. Ils sont de plus en plus étrangers, originaires de l’Europe du Nord, de Grande-Bretagne ou encore des Etats-Unis.

Qui sont les investisseurs de demain ?

Sébastien Lorrain : les grands gestionnaires de fonds avec des thématiques spécifiques et des logiques de plus en plus paneuropéennes. La problématique du logement n’est, malheureusement, pas qu’une spécificité française.

François Le Levier : beaucoup de nouveaux entrants dont nombre de fonds asiatiques qui souhaiteraient investir le marché de la logistique, mais aussi des généralistes en recherche de diversification. Cependant, attention : il n’y aura pas de place pour tout le monde !

Un impact positif de la crise de la covid-19 sur vos marchés ?

François Le Levier : le report des capitaux vers la logistique.

Sébastien Lorrain : un accélérateur de tendance, très clairement.

L’avenir du résidentiel et de la logistique en un mot ?

Sébastien Lorrain : selon notre étude « Real Estate 2030 », le résidentiel devrait devenir à cet horizon et au niveau mondial, une des principales classes d’actifs immobiliers, si ce n’est la première (27 trillions de dollars à horizon 2030 !). Rappelons qu’elle représente déjà 40 % des investissements immobiliers en Europe, mais à peine 10 % sur le marché français.

François Le Levier : l’avenir de la logistique sera vert et digital. Les investissements en logistique devraient, ainsi, doubler au cours des dix prochaines années.

Finalement, la logistique et le résidentiel : effet de mode ou création de valeur ?

François Le Levier : un peu des deux. La conjoncture a accéléré une tendance de fond déjà en marche depuis dix ans et qui repose sur de solides fondamentaux : une réponse à la croissance du e-commerce, des bâtiments de très haute qualité, des loyers stables et plutôt bas.

Sébastien Lorrain : créateur de valeur. On l’a dit, il y a tout à faire. Depuis plus de 30 ans maintenant, cette classe d’actifs a été désertée par les investisseurs et les attentes des usagers sont énormes, pour plus de qualité, de standing… Et les leviers de valorisation sont, eux aussi, nombreux grâce notamment à une modernisation nécessaire des métiers entourant le logement.

François Le Levier et Sébastien Lorrain (CBRE) : la logistique et le résidentiel sous les feux de la rampe...