En plus d’en prolonger la durée jusqu’en 2028, un amendement a été adopté en commission des finances de l’Assemblée nationale visant à simplifier l’obtention de l’éco-PTZ (prêt à taux zéro) par les syndicats de copropriétaires. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Déjà, recontextualisons : au-delà du cas particulier de l’éco-PTZ, c’est l’octroi général des prêts collectifs en copropriétés qui est très peu répandu. Pour ce qui est de l’éco-PTZ, il est quasiment inexistant. La nouveauté introduite par le député Damien Amiel (Renaissance, député de la 13ème circonscription de Paris) dans l’amendement qu’il a déposé au projet de loi de finances 2024 (adopté par l’Assemblée nationale à la suite du recours à l’article 49-3 de la part d’Elisabeth Borne), au-delà du rallongement du dispositif jusqu’en 2028, c’est la création d’un nouvel éco-PTZ qui sera adopté à la majorité et non plus à l’unanimité des copropriétaires. Et, de plus, qui sera inclus dans les charges de ces derniers pour son recouvrement total.
Pourquoi cet amendement marque-t-il une fracture notable par rapport à ce qui se faisait jusqu’à présent ? Déjà, parce qu’il pourrait démocratiser un type de prêts, à savoir le collectif accordé aux syndicats de copropriétaires, pour l’instant relativement rare ; seules deux banques le pratiquent : la Caisse d’Epargne Ile-de-France et Domofinance.
Il faut revenir à la loi du 10 juillet 1965 pour en saisir les raisons : l’article 26-4 du texte de loi stipule que le prêt collectif accordé aux syndicats de copropriétaires doit être voté à l’unanimité de ses membres. L’unanimité n’étant jamais atteinte, déjà pour des raisons d’absentéismes inéluctables lors des assemblées générales, les demandes de prêts ne sont même pas formulées auprès des établissements bancaires.
L’alinéa 2 de l’article 26-4 prévoit une première dérogation à l’unanimité : le prêt collectif servant d’avance à l’obtention d’une subvention ; il est rare, le dispositif MaPrimeRénov’ étant récent pour les copropriétés. Deuxième dérogation : seuls les copropriétaires qui en formulent la demande (au minimum deux) adhèrent à l’emprunt, via ce que l’on appelle le Copro 100. Ce n’est évidemment pas un vrai prêt collectif au sens strict du terme, mais plutôt un prêt multi-individuel, avec le syndicat des copropriétaires en guise de paravent comme signataire du contrat de prêt ! En sachant qu’il existe de fortes chances que les deux copropriétaires en question se soient préalablement fait refouler de leurs banques respectives, faute de solvabilité suffisante. Autant dire que la confiance n’est pas au beau fixe du côté de la banque qui est sollicitée pour financer le (pseudo) prêt collectif…

En quoi l’amendement déposé par le député Amiel et repris à son compte par le gouvernement dans son projet de loi de finances va-t-il dégripper l’octroi de prêts collectifs en copropriétés ?

Cet amendement du député Damien Amiel est le résultat de nombreuses consultations qu’il a effectuées auprès des professionnels, y compris l’ANGC. Rien de plus logique : les députés sont les relais du « peuple » et se doivent de consulter régulièrement celles et ceux qui sont présents sur le terrain pour prendre des décisions.
Il faut déjà avoir en tête que le vote à la majorité et non à l’unanimité n’allait pas de soi, que c’était tout sauf une évidence que le statut quo en vigueur depuis 1965 allait être modifié : jusqu’ici, le législateur considérait qu’imposer à l’ensemble des copropriétaires un prêt collectif les engageant sur plusieurs années sans leur consentement explicitement exprimé était trop radical. Selon cette approche, la majorité relative ne suffit pas. C’est ce paradigme que le nouveau texte vient chambouler. Le fait que l’éco-PTZ soit à taux zéro a certainement encouragé cette évolution, m’a confié l’attaché parlementaire du député Damien Amiel. En effet, le 0 % d’intérêt remboursable induit une contrainte moins radicale pour les copropriétaires qui auraient voté contre l’éco-PTZ ou n’auraient pas voté du tout.

Ce choix de faciliter la demande d’obtention d’un éco-PTZ semble intimement lié avec la volonté gouvernementale de voir le parc immobilier rénové massivement. Est-ce également votre analyse ?

Oui, c’est clairement la finalité. Depuis le Grenelle de l’environnement de 2007, la France est engagée dans une dynamique d’ampleur de rénovation et de transition énergétiques. Une dynamique qui s’est accélérée depuis la loi Climat et Résilience de 2021 et les engagements français pris vis-à-vis de l’Union européenne et de ses directives transposées. Emmanuel Macron souhaite que la France soit le premier pays à accéder à la neutralité carbone à horizon 2050 et, dans le cadre de cette stratégie, le bâtiment revêt une importance prépondérante : il représente, en effet, 48 % de la consommation nationale d’énergie et 28 % des émissions de gaz à effet de serre. Le logement constitue les deux tiers du secteur du bâtiment et la copropriété comprend dix millions de logements, c’est-à-dire environ un tiers du parc total français. Enfin, sur ces dix millions, 1,5 million (15 %) ont une étiquette F ou G. L’enjeu est donc fort sur les copropriétés, d’où la pression mise par le gouvernement pour qu’elle s’engagent dans la voie de la transition énergétique. Sauf que cela représente des sommes importantes pour les copropriétaires, avec des quotes-parts qui peuvent osciller entre 20 000 et 30 000 euros par personne. Entreprendre des travaux de fond en comble n’est pas l’option la plus retenue par les copropriétaires, qui préfèrent les étaler par tranches sur 15 ou 20 ans ; cela permet de lisser les paiements et de ne pas avoir à débourser une grosse somme d’argent en une seule fois.

Globalement, considérez-vous que cet éco-PTZ est une mesure satisfaisante et suffisamment ambitieuse pour faciliter la transition énergétique des immeubles ?

Les professionnels y sont plutôt favorables, déjà car il sera plus facile pour les syndics de gérer un vrai prêt collectif plutôt qu’un prêt multi-individuel auquel seuls quelques copropriétaires adhérent. La « paperasse » administrative va également s’en trouver réduite : il n’y aura plus besoin de fournir à la banque tout un tas de documents individuels. Plus de simplicité, de clarté et de logique : voilà ce que cette réforme devrait apporter. De plus, l’offre bancaire devrait être plus riche avec de vraies mises en concurrence de plusieurs établissements. Le monopole dont bénéficie la Caisse d’Epargne devrait cesser, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Même si le taux reste à 0 % quoi qu’il arrive pour l’éco-PTZ, la concurrence entre établissements pourra se jouer autour des conditions d’octroi ou des délais de remboursement (ou flexibilité). De plus, des réseaux de courtiers vont peut-être se mettre en place avec le développement de services internes dédiés aux prêts collectifs. En clair, peut-être assisterons-nous à l’émergence d’intermédiaires entre les syndics et les banques concernant les prêts collectifs.
Ce que nous appelons de nos vœux, c’est l’émergence d’un véritable écosystème ! Il faut tout de même saluer l’effort consenti par le gouvernement, puisque l’Etat accordera un crédit d’impôts aux banques qui distribueront cet éco-PTZ (d’où l’inscription du dispositif dans la loi de finances). C’est donc une véritable incitation à l’endroit des copropriétaires pour qu’ils s’engagent dans la transition énergétique et la rénovation globale.

Reste une question en suspens, typiquement réservée aux copropriétés : qu’adviendra-t-il des copropriétaires qui feraient subitement défection dans le remboursement de leur quote-part de l’éco-PTZ ? Comment le syndic peut-il faire face à ce type de situations ?

C’est peu ou prou la même chose que pour ceux qui cessent de payer leurs charges courantes ou leurs charges travaux. Ils reçoivent une relance, une mise en demeure et, enfin, une assignation au tribunal. Le temps que la procédure aboutisse, ce qui peut mettre un, voire deux ans. Soit nous demandons aux autres copropriétaires de procéder à l’avance de la quote-part à payer, soit nous faisons appel à une assurance charges impayées. C’est, nous pensons, l’option qu’il faudra privilégier pour l’éco-PTZ. Imaginez qu’un copropriétaire décide de ne plus payer ses 20 000 ou 30 000 euros correspondant à sa quote-part. Que faisons-nous ? Nous parlons ici de grosses sommes engagées pour lesquelles la seule solidarité contractuelle liant les copropriétaires entre eux ne peut être évoquée sans créer de sérieux remous. Surtout s’il faut attendre un an, voire plus, pour recouvrer les fonds… Et pour peu que ça ne soit pas un seul mais plusieurs qui fassent défection, vous pouvez vite vous retrouver avec plus de 100 000 euros de trou dans la caisse… Autant dire qu’à ce niveau-là, la solidarité n’existe plus du tout ! Le système d’assurance devient, de ce point de vue, indispensable afin d’éviter une cessation de paiement et, par conséquent, une faillite pure et simple.

Gilles Frémont (ANGC) : « les professionnels sont favorables à la réforme de l’éco-PTZ »