L’entreprise WeWork est en situation de faillite. Comment expliquer un tel revirement pour cette entreprise pionnière sur le segment du coworking ?

Il faut rappeler que WeWork a indéniablement popularisé un modèle nouveau, celui du coworking. L’entreprise a porté une vraie vision en tant que pionnière et a su développer son modèle à grande échelle. Cette popularisation, qui a longtemps fait la force de WeWork, de même que l’accroissement perpétuel de son offre et de ses financements, parfois à marche forcée, ont aussi été la source de ses problèmes. Le « business model » était limpide : ouvrir un maximum de sites le plus rapidement possible. Les baux, conclus pour des durées allant de neuf à douze ans, n’ont pas toujours été bien négociés, ce qui a fini par poser problème. Il y a, aujourd’hui, des baux qui sont trop chers payés par rapport au contexte et qui ont été signés à un moment où WeWork avait cet objectif de croître le plus rapidement possible. Pour donner un exemple très concret, aujourd’hui 1 % des immeubles de bureaux new-yorkais ont été pris par WeWork. Pour arriver à un tel niveau de croissance, des offres souvent trop alléchantes ont dû être présentées aux propriétaires. Une stratégie qui s’est finalement retournée contre le groupe.

La dégradation du marché tertiaire a-t-elle eu un impact sur la chute de WeWork ?

Non, car même si le marché de bureaux connaît un moment plus difficile aujourd’hui, celui du bureau flexible n’a jamais bénéficié d’une telle audience, d’une base de clients aussi large. C’est un marché qui continue de séduire de plus en plus d’entreprises, aussi bien en nombre qu’en variétés : le marché n’est plus saturé par les startups et les freelances, mais bien par de plus en plus de TPE/PME et même de grands groupes qui font le choix du flex-office pour y accueillir leurs équipes. Le marché est bien plus profond aujourd’hui qu’il ne l’était il y a dix ans ; le coworking grappille chaque jour un peu plus de terrain sur le marché du bureau traditionnel…

La gestion d’Adam Neumann a été pointée du doigt, plus d’un dénonçant la mégalomanie et la gestion erratique du créateur de WeWork. L’entrepreneur est-il le principal fossoyeur de sa propre entreprise ?

La principale erreur d’Adam Neumann a principalement été d’ouvrir tous azimuts. De plus, tous les lieux d’implantation de WeWork n’ont pas été judicieux, loin s’en faut. Certaines villes n’étaient pas suffisamment matures pour accueillir un site de coworking. Des paris risqués se sont transformés en paris manqués. La période Covid n’a évidemment rien arrangé. De plus, WeWork, en qualité de précurseur, a logiquement été rapidement copié. Le marché s’est développé, les acteurs se sont multipliés. Des offres personnalisées ont émergé, faisant mécaniquement de l’ombre à WeWork. Les baux longue durée signés par le groupe d’Adam Neumann ont bridé sa flexibilité, freiné son adaptabilité en fonction des mutations de son environnement. Les nouveaux arrivants, quant à eux, ont eu tout loisir d’observer et de répertorier les écueils et autres manquements de l’entreprise américaine pour ne pas reproduire les mêmes. L’offre concurrentielle est aujourd’hui plus que conséquente.

WeWork est-il irréversiblement condamné ou subsiste-t-il des possibilités de résilience ?

Le recours au chapitre 11 de la loi américaine de la part de l’entreprise peut lui être bénéfique : en effet, cette disposition va permettre d’entamer des discussions avec les bailleurs et de renoncer à certains baux. Au final, c’est un plan de redressement satisfaisant qui est en jeu. Petite précision : Adam Neumann a été démis de ses fonctions par le conseil d’administration de WeWork après l’échec de l’entrée en Bourse ; il ne fera, par conséquent, pas partie de la renaissance de l’entreprise qu’il a créée, si renaissance il y a…

Mehdi Dziri (Ubiq) : « pour WeWork, des paris risqués se sont transformés en paris manqués ! »