Où en était Quanim avant la crise sanitaire ?

L’entreprise fête ses dix ans au mois d’avril et réalise principalement des opérations multi-usages, avec des commerces, des espaces tertiaires et des logements, en Ile-de-France, sur des emplacements de qualité, autour des gares principalement. Aujourd’hui, comme pratiquement toutes ses consoeurs… l’entreprise est en mode PLS (position latérale de sécurité, ndlr). Aujourd’hui, tous nos points de vente sont fermés, nos huit chantiers sont arrêtés, nos équipes sont soit en télétravail soit au chômage partiel. Nous commençons à avoir des mémoires d’augmentation de prix pour nos chantiers ; leur redémarrage sera compliqué du fait des prérequis et des mesures de sécurité sanitaire. Les autorisations administratives sont ralenties en raison du confinement, mais aussi du report sine die des élections municipales. Les solutions existent, bien sûr, mais l’ensemble est devenu extrêmement complexe.

Quelles solutions pour la promotion devant la crise ?

En reprenant toute la chaîne des valeurs, la crise a déjà commencé et nous sommes en plein retournement de cycle.

Une compétition féroce entre acteurs, qui anticipaient des prix de vente élevés et en augmentation, se joue au niveau du développement des fonciers : ils se retrouvent confrontés à des rythmes de vente qui vont très certainement être divisés par deux et des prix qui seront au mieux maintenus et, plus probablement, en baisse de 10 à 15 % dans certains marchés. En conséquence, les porteurs de fonciers seront contraints soit de renégocier les prix des terrains à la baisse soit de prendre des pertes dans le développement des opérations, menant à une phase de transition brutale et à la détente de la pression foncière.

Dans la construction, les promoteurs doivent, en général, avoir pré commercialisé 30 à 35 % des programmes avant de pouvoir lancer la construction : or, les rythmes de vente deviendront plus longs, les bureaux de vente vont devoir ouvrir sur des délais plus longs. Les travaux seront confrontés à des augmentations de coûts techniques, en raison de la prise en compte des conditions de protection sanitaire et des problèmes d’approvisionnement qui finiront par se poser. Qui les paiera ? Les clients ? Les entreprises ? Les promoteurs ? Le jeu est ouvert, mais en raison des perspectives économiques, je vois mal les clients accepter de supporter ces hausses. Les entreprises de construction sont fragilisées et n’ont pas de fonds propres ; il y a un risque d’hécatombe pour elles sans mesures de soutien ni partage équitable des surcoûts entre maîtres d’ouvrage et entreprises.

On est au-delà de la PLS…

Comme dans un incendie, les arbres finiront par repousser, mais il y aura un entre-deux d’une violence inouïe, surtout que les acteurs mettent toujours du temps à prendre conscience des retournements de conjoncture. Aucun marqueur commercial ne permet de voir ce qui se passe, tout étant à l’arrêt depuis le 15 mars.

Pour donner un exemple, Quanim développe actuellement une opération multi-usages de 17 000 m2 à proximité de la gare de Yerres (91) ; sur 112 appartements privés, 25 ont été vendus avant le début du confinement, la précommercialisation était pratiquement terminée. Le reste était déjà vendu : un Parc Relais de 400 places, un supermarché Leclerc de 5 500 m2, un poste de police, une crèche, une galerie commerciale, 48 logements sociaux… L’opération n’avait plus de risque, hormis pour le résidentiel : or, les rythmes de vente et les prix vont baisser et à partir de la fin du confinement, il y aura une grande désorganisation de l’économie, avec des clients qui limiteront leurs achats faute de visibilité ou de confiance dans la conjoncture et des banques qui ne financeront peut-être plus les particuliers.

Quel est votre regard sur la politique du gouvernement vis-à-vis des chantiers ?

Le principe d’imposer la protection des individus sur un chantier est évidemment nécessaire et sur lequel il convient de ne pas transiger ; cependant, cela reste déconnecté des réalités, à partir du moment où plusieurs entreprises interviennent dans un espace exigu, notamment en Ile-de-France, où les baraquements devraient être plus grands pour respecter la distanciation sociale entre les casiers. C’est pratiquement impossible à mettre en œuvre. On voit déjà que moins de contraintes sont imposées au monde scolaire vis-à-vis de la réouverture des écoles ; une approche plus pragmatique et réaliste est nécessaire pour les chantiers, sinon des entreprises en difficulté financière, dans un marché déjà sous tension, risqueraient de mourir, non du Covid-19, mais d’une asphyxie financière, faute de pouvoir reprendre leur activité ! Le remède risque d’être pire que le mal…

Le Grand Paris est-il mis en péril par la situation ?

Le marché francilien est toujours caractérisé par une demande très forte et la situation ne remettra pas en cause le Grand Paris. Une période de transition de 24 mois brutale et douloureuse interviendra et si les acteurs réagissent de manière positive, le marché reprendra. L’immobilier demeurera un référent stable et une valeur refuge pour les particuliers, d’autant que les taux d’intérêt devraient demeurer bas.

Je ne vois pas de bulle immobilière pour deux raisons. La partie haute du marché, du moyen-haut de gamme au-delà des 7 000 euros par mètre carré, est lestée par les reventes et les placements en Bourse des investisseurs ; quant aux accédants et aux primo-investisseurs, ils seront confrontés à des règles énoncées avant le 15 mars, qui restreignent la délivrance des crédits et raccourcissement les délais d’emprunt.

Comment Quanim devrait traverser cette période de 24 mois ?

Quanim doit se focaliser sur des opérations de 50 à 70 logements et recherchera des fonciers de cette taille. En ce qui concerne la partie commerciale, nous rechercherons des gains de productivité sur nos bureaux de vente, en affectant un commercial à deux bureaux de vente par exemple, notamment grâce à la digitalisation. L’incertitude demeure sur l’explosion du tissu de PME du bâtiment en raison de contraintes trop lourdes…

Comment voyez-vous l’après pour la promotion ?

Je m’attends à un paysage nouveau, darwinien, où le nombre d’acteurs va diminuer dans les 24 à 36 mois, où seuls ceux qui auront les capacités d’appréhender les meilleurs fonciers, les meilleures capacités financières et les meilleures équipes de développement seront présents sur les marchés. Je m’attends aussi à une baisse des prix du foncier et à un retour à une forme de sagesse et une fin de l’inflation sur les achats de fonciers. Il n’y aura plus 8 à 10 concurrents sur un seul appel d’offres et les aménageurs devront construire de nouvelles relations sur le long terme avec les acteurs capables d’être résilients…

Michel Piloquet (Quanim) : "une période de transition brutale de 24 mois interviendra"...