Pouvez-vous nous décrire le cadre juridique prévu par le prochain PLU bioclimatique en matière de logement social ?

Hélène Cloëz : avant tout, rappelons le calendrier de ce PLU, dont le projet a été arrêté au mois de juin par la Mairie de Paris. Une enquête publique va être menée du 8 janvier au 29 février au cours de laquelle des observations pourront être faites sur le texte en vue de son adoption finale fin 2024 ou début 2025. Le PLU contiendra un important enjeu de mixité sociale et fonctionnelle (bureaux et habitations), avec une volonté appuyée de développer le logement abordable. Dans le précédent PLU de 2006, il était fait mention d’une obligation de développer 20 % de logements sociaux ; le nouveau PLU prévoit d’augmenter ce chiffre jusqu’à 30 %, plus 10 % de logements abordables (intermédiaires ou BRS). Donc, 40 % de logements sociaux et abordables à horizon 2035. À titre de comparaison, la loi SRU de 2010 impose un total de 25 %. Un pastillage est également intégré au texte, qui contraindra des possesseurs de parcelles situées en zones pastillées à transformer leur(s) actif(s) conformément à l’objet de la pastille ; cette disposition est destinée à renforcer la mixité des usages précédemment citée.

La notion de mixité sociale est-elle nouvelle ou se retrouve-t-elle simplement renforcée eu égard à ce que prévoyait déjà le précédent PLU ?

Hélène Cloëz : elle existe déjà dans le PLU actuel, avec des contraintes de construction de logements sociaux. Actuellement, que cela soit à l’issue d’une construction ou d’une restructuration lourde d’un actif dont la surface est supérieure à 800 m2 , un certain pourcentage doit être réservé à du logement social. Le futur PLU prévoit d’abaisser ce seuil à 500 m2, avec l’obligation d’introduire du BRS. Trois zones ont été identifiées à Paris avec, pour chacune d’entre elles, un regroupement de logements sociaux en fonction du degré de carence en logement social : zone non déficitaire en logements sociaux où un minimum de 30 % de BRS sera obligatoire ; zone déficitaire avec une obligation de 35 % de logements sociaux et zone nouvellement créée pour le PLU et qualifiée d’hyper déficitaire où 50 % de logements sociaux devront être bâtis (contre moins de 10 % aujourd’hui). Les zones de déficit et d’hyper déficit représentent 64 % de l’ensemble de la zone UG (urbaine générale) de Paris. Les OAP (orientations d’aménagement et de programmation sectoriels), qui sont des périmètres particuliers au sein desquels des dispositifs d’urbanisme propres ont été prévus, ne rentrent pas dans le champ de la servitude (charge imposée) du prochain PLU quant au logement social. Pour les Zac ou les lotissements, les pourcentages de logements sociaux s’appliquent à l’ensemble de la zone et non à l’échelle des immeubles.

Concernant la mixité fonctionnelle, comment va-t-elle s’articuler dans la cadre du nouveau PLU ?

Hélène Cloëz : l’un des objectifs de cette mixité fonctionnelle est de réduire l’emprise des bureaux et de développer et protéger l’habitation. Pour tous les bâtiments de plus de 4 500 m2 de surface de plancher économique (SPE), 11 % de surface à destination de l’habitation sera imposée, avec un minimum de 500 m2. Parmi ces 11 % imposés devront figurer des logements sociaux, en proportion des règles de mixité sociale précisées précédemment. En clair, tous les grands immeubles de bureaux devront comporter un certain pourcentage de logements. Le PLU prévoit des systèmes de compensation, permettant notamment à des entreprises d’aller chercher dans le secteur une surface de plancher équivalente à 11 % de la surface de leur siège social, de l’acheter et de l’affecter à du logement. Les parcelles qui devraient faire office de surfaces constructibles ont été ciblées en raison du fait qu’elles ont, la plupart du temps, un mono-propriétaire (ce qui facilite leur mutation) et qu’elles bénéficient d’un bon potentiel de développement.

D’un point de vue du Code de la construction et de l’habitation (CCH), qu’est-ce que va entraîner l’introduction du nouveau PLU ?

Sidonie Fraîche-Dupeyrat : l’article L302-5 de ce code définit ce qu’est un logement social ; le nouveau PLU en adopte une définition plus stricte, notamment en matière de conventionnement qui fait passer de 15 à 40 ans la durée minimum dudit conventionnement pour un logement social. De plus, d’après le CCH, est constitutif d’un logement social un logement faisant l’objet d’un démembrement de propriété connu sous le nom d’usufruit locatif social ; le PLU exclut de la qualification de logement social l’ULS (usufruit locatif social). Cela est très impactant pour les opérateurs privés car l’ULS est un bon moyen d’intégrer la contrainte de logement social dans une opération, notamment sans mise en copropriété. De plus, le CCH autorise la qualification de logement social pour les opérations de location/accession, tandis que ce dispositif est exclu du nouveau PLU. Enfin, le BRS est un moyen de faire du logement social dans le cadre du CCH, avec une durée minimale de 18 ans, tandis que cette durée est fixée à 50 ans dans le nouveau PLU.

Comment un bailleur privé peut il respecter les obligations de production de logement social en restant propriétaire

Sidonie Fraîche-Dupeyrat : l’engagement minimum exigé pour l’intermédiaire dans la cadre du PLU Bioclimatique est fixé à 20 ans, tandis qu’il est fixé à neuf ans dans le CCH. Ce qu’il faut retenir proritairement, c’est que le nouveau PLU est plus exigeant. De plus, comment les opérateurs privés vont-ils intégrer ces contraintes dans des opérations où le pourcentage de 11 % de logements sociaux va porter sur un étage, un plateau, un demi-plateau… ? Les opérateurs privés vont devoir trouver le moyen de faire par eux-mêmes ou sans organisation foncière complète. Des outils sont à leur disposition, à l’image du conventionnement PLS (Prêt locatif social), qui est bien maîtrisé : cela permet à un opérateur privé de gérer lui-même sans passer par le truchement d’un bailleur social ou d’une société d’intermédiation agréée. Un autre outil est le conventionnement Anah, qui peut être intéressant dans la mesure où aucun prêt n’est adossé, contrairement au PLS. Citons également un autre outil poussé par l’Etat et les préfectures : l’IML (intermédiation locative), qui se fait avec un partenaire contrairement aux deux précédents ; il doit être une association agréée, à l’image du modèle d’Habitat et Humanisme. Ce dispositif est aujourd’hui encouragé du fait d’objectifs nationaux repris à l’échelle régionale. Enfin, on sent une envie très forte de la Ville de Paris d’aller vers le BRS, même si cet outil est contraignant pour un opérateur privé car ce dernier doit céder les lots à un OFS (Office foncier solidaire), avec éventuellement une mise en copropriété ou une division en volumes. Pour conclure, je suis convaincue que l’on se dirige de plus en plus vers de la fabrication du logement social financé par les opérateurs privés…

Nouveau PLU bioclimatique : à quoi faut-il s’attendre ?