Quel rapide bilan du marché de l’investissement en immobilier d’entreprise en 2022 ? Comment interpréter le ralentissement en fin d’année ?

Malgré le contexte économique, l’année 2022 a bien résisté ; le marché a même su tirer son épingle du jeu avec 28,1 milliards d’euros investis en immobilier d’entreprise, même si la chronologie a été chahutée, voire inversée. Ainsi, le démarrage était prometteur, les deux premiers trimestres flamboyants, le troisième correct, malgré les « repricings », pour finir par un coup de frein significatif au dernier trimestre, avec seulement six milliards d’euros investis. Ce qui représente une baisse de 80 % par rapport à la moyenne des quatrièmes trimestres des cinq dernières années, liée au retrait massif d’opérations de grandes tailles et des hausses successives des rendements obligataires et financiers.

Les conditions de marché se sont détériorées à partir du second semestre, consécutif au contexte international et notamment à la guerre en Ukraine, aux différentes augmentations de l’OAT 10 ans, des taux de financement, des coûts de construction et de l’énergie. Il n’empêche que le volume global de fin d’année reste stable grâce à une redistribution des cartes et une répartition plus équilibrée des classes d’actifs.

Effectivement, il semble qu’un certain nombre d’actifs mis sur le marché au cours de l’été dernier n’ait pas trouvé preneurs. Pouvez-vous en dire plus et l’offre correspond-t-elle à la demande ?

Premier phénomène : l’augmentation brutale de l’OAT 10 ans, qui a modifié le comportement des investisseurs. Ceux-ci ont rapidement ajusté leurs prix d’acquisition, en particulier à partir de mai 2022, période où beaucoup d’actifs ont été mis sur le marché. En conséquence, soit les vendeurs ont accepté les baisses de prix proposés, soit ils ont retiré leurs opérations faute d’accord sur le prix, ce qui a été le cas pour la plupart d’entre eux. Deuxième phénomène : les investisseurs ont préféré se positionner sur des actifs de moindre volume afin de réduire leur exposition et le risque. Rien qu’en Ile-de-France, le retrait d’actifs en bureaux correspond à 6,2 milliards d’euros, soit 80 % pour des immeubles d’un volume d’investissement de plus de 200 millions d’euros. Cette situation était déjà apparue en 2021 ; des joint-ventures s’étaient constituées pour acheter des actifs de grandes tailles, preuve que le marché perdait déjà de la profondeur. Troisième phénomène : malgré un marché locatif très actif, nous rencontrons, dans certains territoires, un manque d’intérêt des utilisateurs pour louer certains immeubles en raison de leur localisation, de leurs caractéristiques techniques ou bien environne- mentales. Cette situation accélère leur obsolescence. Ces immeubles devront être reconvertis et, là aussi, se pose la question de la valeur et de la liquidité de ces actifs.

A ce propos, quelle(s) évolution(s) de la demande ?

La demande est présente, mais concentrée sur certains profils d’investisseurs, notamment ceux qui disposent de beaucoup de liquidité disponible tels que les fonds d’investissement, mutuelles, caisses de retraite, « family offices » et SCPI. Les assureurs sont plutôt dans l’attente et préfèrent s’orienter vers des valeurs mobilières, les obligations en particulier.

Il semble que les bureaux en régions et la logistique conservent leur attrait auprès des investisseurs et que le commerce le retrouve. Ces orientations du marché se vérifieront-elles cette année ?

En résumant, les régions ont performé car elles bénéficient d’une situation privilégiée, proposant des actifs de moindre volume, livrés ou en Vefa, plus en phase avec les besoins des SCPI. Le commerce et la logistique et, plus largement, les actifs gérés de santé et coliving ont bénéficié d’un besoin de diversification de la part des investisseurs et d’une meilleure acceptation de la part des vendeurs pour des « pricings » ajustés.

Plus généralement, comment voyez- vous évoluer ce marché en 2023 ?

Nous allons assister à un démarrage très prudent, pour trois raisons principales. D’abord, un besoin de stabilité de l’OAT 10 ans. Elle s’affiche, pour le moment, à 2,50 % ; les investisseurs ont besoin de reprendre confiance. Ensuite, une stabilité des taux financiers ; nous attendons la position de la Banque Centrale Européenne prochainement sur les taux directeurs, qui influent sur les taux financiers des banques. Enfin, une actualisation et une stabilisation des valeurs vénales tenant compte de la remontée de l’OAT 10 ans et des taux financiers. Cela redonnera de la liquidité au marché. Une fois cet équilibre retrouvé, le marché repartira sur de bonnes bases.

Quelle(s) conséquence(s) pour les taux de rendement dans un contexte de hausse des taux d’intérêt, qu’il s’agisse de bureaux, de logistique ou de commerce ?

La remontée de l’OAT 10 ans a un impact fort et la décompression des taux « prime » est inéluctable. Elle a d’ailleurs déjà commencé en 2022 avec un taux « prime » parisien qui a pris près de 30 points de base. Cette décompression devrait se poursuivre, mais nous considérons qu’il faut pondérer les taux en fonction de la taille des actifs ; la hausse sera plus modérée sur les actifs de moindre taille.

Quels résultats pour BNP Paribas Real Estate dans ce marché ?

Excellents ! Nous avons participé à la vente d’un volume de 10,4 milliards d’euros toutes classes d’actifs confondues et détenons des parts de marché de l’ordre de 30 à 40 % en fonction des classes d’actifs. Nous avons, donc, effectivement réalisé une excellente année. Nous avons signé de très belles transactions tous profils de risques confondus. En bureaux « value add », nous pensons, notamment, à l’immeuble « CB3 », à La Défense (92) ou en bureaux « prime », à la vente d’un actif place de Rio, sur la base d’une valeur vénale record à 32 500 euros du mètre carré !

Quels nouveaux mandats en ce début d’année ?

En Ile-de-France, nous allons lancer plusieurs actifs de bureaux parisiens dans des profils « prime », «core», «core +» et «value add» pour un montant global de 950 millions d’euros. Figurent, également, dans notre pipeline plusieurs opérations en première couronne en « core » et « value add » pour un total de 500 millions d’euros…

Au final, l’immobilier conserve-t-il son attrait pour les investisseurs et quel(s) conseil(s) leur adresser ?

Les besoins d’investissements sont toujours là. Certes, nous avons constaté une évolution dans le comportement des investisseurs qui s’est traduite par une diversification plus forte vers d’autres classes d’actifs. La plupart des vendeurs en commerce et en logistique ont accepté plus facile- ment les « repricings », tout en bénéficiant de plus-values intéressantes, ainsi qu’une volonté d’élargir leurs investissements dans la Zone euro. En bureaux, que cela soit en régions ou en Ile- de-France, le volume locatif de transactions est excellent, ce qui confirme toute l’attractivité de produit pour les utilisateurs. Cependant, la demande se porte sur des bureaux mieux desservis, répondant aux nouvelles exigences environnementales et permettant une hybridation des usages. La volonté d’acquérir du bureau est toujours très présente ; 8 milliards d’euros d’actifs ont été retirés du marché en Ile-de-France pour des raisons de prix et non pas par manque d’intérêt.

A l’instar de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, il faut juste retrouver une liquidité équilibrée entre vendeurs et acquéreurs et la meilleure façon d’y arriver est de mettre des actifs sur le marché pour le réussir…

Olivier Ambrosiali (BNP Paribas Real Estate Transaction France) : « les besoins d’investissement sont toujours là »