Comment s’organise l’activité de la Socfim en cette période de confinement ?

L’ensemble du personnel est en télétravail depuis le jeudi qui a précédé la demande de confinement. Nous étions préparés à une telle situation depuis les dernières grèves et avions tout mis en place pour assurer la continuité de l’activité, ce qui est vital pour une banque. Ceci nous permet, bien évidemment, de rester en lien et travailler avec tous nos clients et de gérer leurs demandes.

S’agissant de l’activité bancaire, quelles mesures ont été prises ?

Concernant les dispositions concrètes pour nos clients, nous avons pris des mesures générales comme la prorogation systématique, pour une durée de six mois, de tous les crédits aux promoteurs, puisque leurs opérations sont « gelées », en travaux comme en ventes. Nous avons, par ailleurs, maintenu nos comités d’engagement pour tous les dossiers proches des points d’aboutissement ; ces dossiers se mettront en place d’ici deux à trois mois. Il n’y a pas eu, depuis la mi-mars, interruption de l’analyse des dossiers, ni changement réel de nos règles de risque (le niveau de pré-commercialisation, les fonds propres et la vérification des prix de revient, ndlr) même si nous surveillons tout cela de plus près.
Depuis deux semaines, le rythme de demandes s’accélère d’ailleurs, avec d’importants dossiers de logements franciliens susceptibles de démarrer avant la fin de l’année.

Quel est le nombre de dossiers en cours ? Et quels vont être les points de vigilance ?

Fin 2019, des dossiers représentant près de 900 millions d’euros de financements restaient à mettre en place. Certains seront peut-être annulés, probablement une faible part, mais beaucoup seront décalés de six mois. Concernant les sujets de vigilance lors des mises en place, nous allons vérifier que le nombre des réservations, dans chacun des programmes concernés, n’a pas violemment baissé. Parmi les points également à observer, la situation des entreprises et, bien sûr, la situation financière des opérateurs et les mesures qu’ils ont prises pour la sécuriser. Des opérations, qui en théorie pourraient démarrer, sont actuellement bloquées par l’arrêt des chantiers, ce qui peut induire un risque sur les délais et les prix et la répartition qui sera faite de ces surcoûts.

Nous avons également demandé que les garanties financières d’achèvement ne soient délivrées qu’après délivrance d’une attestation administrative de démarrage de chantier. Enfin, nous serons attentifs aux surcoûts liés aux reprises des travaux et à leur impact sur le bilan des opérations.

Ceci va reporter le redémarrage de l’activité…

Ce qui va déclencher la reprise est le redémarrage des chantiers. Notre hypothèse est que, pour ceux impliquant du gros œuvre, cela ne se fera pas avant septembre. Les chantiers en cours, proches de la livraison, reprendront, quant à eux, plus tôt, ce que nous observons déjà. Pour la commercialisation des programmes, la reprise, à tout le moins pour les accédants, devrait avoir lieu au quatrième trimestre, un peu plus tard sans doute pour les investisseurs locatifs. Il semblerait que le trafic sur les sites transactionnels des promoteurs soit non négligeable et qu’à ce stade peu d’annulations soient déclarées. Il est, sans doute, trop tôt pour en juger, la crise sanitaire occupant trop les esprits pour se consacrer à ces sujets pour les particuliers.

Il n’y a donc pas d’inquiétude particulière s’agissant du marché du logement ?

Pour l’instant, non et les projets en cours dans le neuf étaient déjà très largement commercialisés. Mais il est évident que si la situation économique se dégradait violemment, que le taux de chômage augmentait de manière très forte et que des restrictions supplémentaires dans l’accès au crédit immobilier étaient mises en place, cela serait plus difficile. Par ailleurs, le plan de soutien (CDC Habitat, Inli) viendra en support du marché pour une partie de la production, si nécessaire. Ceci est surtout valable pour les zones tendues, les marchés secondaires pourraient être plus affectés.

Dans l’ancien, sauf urgence, les vendeurs différeront leurs projets de cession, ce qui provoquera une baisse des volumes de transactions, peut-être également des prix dans certaines zones…

Qu’en est-il du marché de l’immobilier de bureaux ?

La situation est différente et des réajustements de valeurs significatifs devraient être enregistrés. Les loyers vont cesser de croître comme ils l’ont fait jusqu’à présent et les investisseurs, parmi lesquels les fonds d’investissements étrangers ou alternatifs à effet de levier, devraient être moins présents. Devraient, cependant, continuer d’être actifs les grands institutionnels qui collectent de l’épargne longue et sont dans l’obligation d’investir une collecte importante. Il est évident qu’ils seront alors en position de force pour négocier les prix et chercheront à cibler les actifs « prime ».
A Paris, la question du poids du coworking sera posée rapidement compte tenu de la place qu’il avait prise.

Quelles pourraient être, plus largement, les conséquences sur la demande ?

Le confinement et le développement forcé du télétravail pendant cette période induiront certainement, à terme, des changements de la demande. En effet, les logements actuels ne sont pas, pour la plupart, conçus pour un travail à domicile et, concernant l’immobilier de bureau, la question se posera aussi : a-t-on encore besoin de tant de surfaces de bureaux quand la démonstration a été faite que le télétravail pouvait fonctionner ? Le mouvement était en route et la situation actuelle ne fait que l’accélérer. Nous sommes évidemment sur un temps long, mais un glissement vers, par exemple, des logements modulables permettant de créer un espace « travail », est tout à fait réaliste. Il faudra pour cela imaginer de réaliser ces nouveaux types de projets, plus loin des centres-villes devenus trop chers. C’est un des grands enjeux de la conception de la ville post Covid, mais ces évolutions prennent de longues années pour un réel effet.

Comment ressentez-vous le moral des professionnels du secteur ?

Ils sont combatifs, c’est leur nature ; ils pensent à l’avenir et ont pris les mesures nécessaires pour protéger leurs salariés et leur entreprise. Leur questionnement porte non pas sur l’immédiat, mais sur la manière dont le marché va reprendre dans un contexte ou le poids administratif (délais d’instruction, de délivrance des permis) reste lourd et où les prix de revient évoluent à la hausse. Certains pensent déjà, aussi, à la conception de nouveaux types de produits qui viennent en résonance avec ce que vivent les confinés ou les télétravailleurs.

Et qu’en est-il dans ce contexte, du « moral » de la Socfim ?

Excellent, après ce saut dans l’inconnu ! Concentrés sur le service et le soutien aux clients, mais aussi attentifs aux signaux de l' »après ». Après un premier trimestre excellent, notre activité n’est pas à l’arrêt. Nous venons, par exemple, tout juste de signer un très beau deal pour l’entrée d’un investisseur étranger au capital d’un grand promoteur… Nous avons signé également, début avril, la vente en bloc d’un très beau programme de bureau (40 000 m² vendus « en blanc » à un grand investisseur…), le tout « full digital » ! L’immobilier, c’est le temps long. Nous travaillons dès aujourd’hui pour 2022-2023 et restons mobilisés aux côtés des promoteurs. Et avons hâte de retrouver, face à face, nos clients et leurs projets.

Olivier Colonna d'Istria (Socfim) : « nous travaillons dès aujourd’hui pour 2022-2023 »...