Quels sont vos projets à court et moyen termes ?

Nous allons inaugurer cette année trois projets d’envergure. Le premier d’entre eux, « Iconic », est situé à Nice et deviendra, nous l’espèrons, un « flagship » architectural pour les Niçoises et les Niçois. Une grande métropole doit oser construire de beaux immeubles contemporains car l’architecture est, d’un point de vue historique, le reflet de notre époque, de ce que nous sommes. Nice est une ville magnifique, qui a une image très ancrée 19ème/début 20ème, avec sa mythique Promenade des Anglais. Tout l’enjeu était de prouver que l’on pouvait bâtir en son hypercentre un projet à l’architecture contemporaine. Nous ne voulions pas d’un projet purement fonctionnel, utilitaire, mais d’un projet qui revendique et affirme son caractère architectural. Le bâtiment en verre reflète les immeubles se trouvant en face de lui et les embellit. L’architecte Daniel Libeskind a travaillé sur ce projet niçois et l’ensemble comprendra du « retail », de la restauration, de l’enseignement, une salle de sport, de spectacle et aussi un hôtel Hilton intégré.

Le second projet concerne un hôtel historique Curio by Hilton à l’architecture spectaculaire que nous développons avenue de Saxe, dans le 7ème arrondissement de Paris, qui comprendra 120 chambres.

Le troisième projet, purement commercial et qui s’inscrit dans l’ADN historique de la Compagnie de Phalsbourg, est un « retail park » de 12 000 m2, à Annecy. C’est un projet de rénovation de zone commerciale.

Enfin, à l’étranger, nous travaillons sur le « Soho House » de Lisbonne.

Vous avez également d’autres projets en cours sur la Côte d’Azur ?

Effectivement, nous avons deux projets : le Village de Sophia, à Sophia Antipolis et Ecotone, à Antibes, que nous développons avec l’architecte Jean Nouvel. Les travaux d’Ecotone vont démarrer en 2025, pour une livraison programmée en 2027 ou 2028. Pourquoi ces délais ? Tout simplement car les coûts des travaux ont explosé et que nous attendons une accalmie. Mais nous avons, d’ores et déjà, signé le siège d’Escota (société de Vinci Autoroutes) là- bas. Ecotone Antibes (42 000 m2 en phase 1) mixera des bureaux, du coworking, des sièges sociaux, une salle de sports importante et un hôtel. Et pourquoi pas d’autres types d’activités, étant donné que nous avons aussi été approchés pour faire des laboratoires et du coliving? Nous attendons 55 % de pré- commercialisation avant la fin de l’année… Concernant le Village de Sophia Antipolis, nous allons développer un projet mixte, qui sera un authentique village contemporain avec du commerce, du loisir, l’université, une résidence étudiante…, bref le lieu de vie qui manque à Sophia Antipolis et nous comptons ainsi participer à améliorer son image.

Vous avez annoncé l’année dernière vouloir équiper vos centres commerciaux avec 1 000 bornes de recharge électrique, ainsi que 100 000 m2 de panneaux photovoltaïques. Où en êtes-vous à ce jour ?

Nous venons justement de recevoir 29 containers de panneaux photovoltaïques. Nous continuons égale- ment à déployer nos bornes, projet qui sera achevé, nous l’espérons, fin 2024.

Globalement, quels sont les résultats enregistrés par la Compagnie de Phalsbourg en 2023 ?

Les centres en exploitation de la Compagnie de Phalsbourg fonctionnent extrêmement bien. Prenons l’exemple de « The Village », notre centre outlet près de Lyon. Sur le seul mois de janvier dernier, son chiffre d’affaires a augmenté de 7 % par rapport au même mois en 2023, sur un historique déjà élevé. Pour l’ensemble de l’année 2023, son chiffre d’affaires s’est élevé à 180 millions d’euros, enregistrant la meilleure performance depuis son ouverture en 2018 ! Cependant, les coûts financiers et les coûts de construction rendent les nouveaux développements plus difficiles. Le modèle de la foncière est donc très utile pour absorber ces chocs…

Quel regard portez-vous sur l’activité des centres commerciaux, trois ans après la pandémie de Covid-19 ?

Nous venons d’être réélus bailleur préféré des enseignes en 2023, ce qui est très gratifiant pour nous. Mais au-delà, le commerce est entré dans une phase de financiarisation qui peut être antinomique avec la base de notre métier. Nous essayons, malgré tout, de nous adapter à la nouvelle donne, notamment sur « The Village » où 10 % de notre chiffre d’affaires est réalisé grâce au digital.

Pourquoi le « moyenne gamme » souffre-t-il autant d’après vous, avec les fermetures de plusieurs enseignes emblématiques telles que Camaïeu, San Marina… ?

Le luxe apporte de la désirabilité et le discount, du pouvoir d’achat. Le « moyenne gamme » figure entre les deux et souffre logiquement davantage.

Une même personne est capable de se rendre chez Lidl pour faire des économies sur les produits de première nécessité, tout en allant s’acheter un sac Louis Vuitton le lendemain. Beaucoup de business ont été siphonnés par le luxe, à l’image de la chaussure. Le « moyenne gamme » a perdu toute désirabilité. Prenez l’exemple du t-shirt : quand il part de Chine, sa valeur est d’un dollar ; le prix de vente, quant à lui, démarre à 4,90 euros pour culminer jusqu’à 60, voire 800 euros chez Dior ou Hermès. Cela reste pourtant le même t-shirt fabriqué en Chine orné d’un petit signe distinctif qui va lui conférer sa valeur marchande et justifier son prix astronomique. Nous en revenons toujours à cet aspect de désirabilité. Le luxe, la désirabilité, ne sont que des projections de l’être humain, une part de rêve vers laquelle tout un chacun, à des degrés divers, souhaite tendre. Il n’y a pas de jugement à avoir par rapport à cela.

Quel regard portez-vous sur le marché des bureaux ?

Le bureau a longtemps représenté la catégorie reine de l’investissement qui correspondait à la tertiarisation de l’économie. La digitalisation du travail a logiquement réduit le nombre de mètres carrés de bureaux nécessaires. De plus, beaucoup de bureaux sont devenus au fil des ans des passoires thermiques complètement obsolètes. Enfin, la jeune génération souhaite se recentrer, c’est-à-dire travailler au cœur de Paris, dans les quartiers centraux et bien desservis par les transports en commun. Le bureau doit et va logiquement s’adapter à cette nouvelle donne. La mutation est un mouvement naturel.

Philippe Journo (Compagnie de Phalsbourg) : "nous conservons l’ambition de faire de belles choses qui s’inscrivent sur du long terme"