6,7 milliards d’euros, est-ce assez pour la rénovation énergétique ?

C’est un niveau d’aide que l’on n’a pas vu depuis longtemps, au moins depuis le tout début du Grenelle de l’Environnement, qui est tout à fait appréciable pour « booster » l’action en faveur de la rénovation. De plus, l’aide est en réalité bien supérieure à 6,7 milliards d’euros, puisqu’il faut y ajouter l’action de rénovation énergétique des établissements de santé et des Ehpad dans le Ségur de la Santé, une ligne de 300 millions d’euros pour la résorption des friches urbaines, une autre ligne de 300 millions encore pour aider à la densification des centres-villes. Quoi qu’il en soit, c’est un volume parfaitement incitatif à l’action.

Il faut, néanmoins, convenir que le financement n’est pas tout et qu’il y a d’autres sujets de fond, à l’instar de l’accompagnement des ménages et des petites entreprises. Il faut que ceux-ci puissent trouver des informations, des conseils et des aides à la décision gratuits et neutres: la mise en place du réseau FAIRE est en cours de réalisation et devra répondre à un besoin impérieux. Cela ne sert à rien de proposer des financements si l’on ne sait pas comment s’en approcher.

Il faut aussi se pencher sur la qualité de l’offre de services, qui nécessite des efforts pour être plus performante et donner lieu à un groupement d’entrepreneurs plus efficace en rénovation globale. Il faut également la déployer sur l’ensemble du territoire métropolitain : ce n’est pas encore le cas aujourd’hui.

Il faut une garantie donnée aux clients que ce qui leur a été promis dans le devis sera bien traduit efficacement et effectivement dans la réalisation, soit une garantie de performance, appelée encore aujourd’hui le contrat de performance énergétique. Je ne crois pas que l’on atteindra une massification abondante sans ajouter de la confiance à toutes les étapes de la démarche.

La réussite d’une opération de rénovation des bâtiments doit se traduire par un renouveau urbain où les questions concernent l’ensemble des édifices quel que soit leur usage, où la mobilité et la biodiversité des territoires urbains sont concernées. Bref, il convient d’adopter une véritable approche environnementale du sujet.

Enfin, un Etat-stratège, qui met en place des financements, doit le faire de manière fluide, avec des élus locaux à la manœuvre, ensembliers des actions et chargés de les accompagner au quotidien, afin de susciter les actions collectives détaillées dans le rapport.

Le rapport met l’accent sur des dispositifs déjà existants, mais mal connus. L’accompagnement est-il donc le maître-mot ?

En tout cas, il doit être celui des élus locaux ! Ceux-ci ont un rôle indispensable à jouer en tant qu’ensembliers des opérations de rénovation groupées sur un périmètre qu’ils doivent eux-mêmes définir. Pour ce faire, ils doivent utiliser les outils juridiques pertinents en place, qui ne nécessitent pas tant d’adaptations. A eux de reprendre leur rôle de stratèges locaux. Emmanuelle Wargon souhaite déjà inciter les maires de villes moyennes à appliquer les règles de leurs documents d’urbanisme: si ceux-ci permettent, par exemple, un R+5, il ne faut pas en rester à un R+3…

Comment s’est déroulée la consultation des acteurs de l’immobilier lors de la rédaction du rapport ?

Nous avons ouvert une consultation très large, qui a connu un nombre de réponses jamais vues, en l’occurrence 1 600 : c’est un véritable succès, de surcroît dans une période aussi compliquée, qui a permis la rédaction d’un rapport d’étape en moins d’un mois. Avec ce dernier, un certain nombre de propositions ont été ouvertes à la consultation d’organismes, de fédérations et de maires et les nouveaux retours nous ont permis d’achever le rapport…

Ce dernier compte des propositions assez « décoiffantes », à l’exemple d’une TVA à taux réduit sur tous les travaux de rénovation, mais aussi d’une suppression de tous les critères qui bloquent les transformations de l’usage des bâtiments ou encore d’une accélération du processus chaque fois qu’une autorisation d’urbanisme est nécessaire. Enfin, nous demandons à l’Etat de mettre de l’ordre dans la fiscalité de la rénovation, très onéreuse…

Constatez-vous une véritable volonté du gouvernement de s’impliquer dans la rénovation énergétique ?

La ministre du Logement est un formidable leader du sujet ; de plus, le fait que le ministère soit englobé dans le ministère de la Transition Ecologique est un atout puissant pour l’action. Emmanuelle Wargon réussira-t-elle à entraîner tout le gouvernement dans le mouvement? Tout dépend de la volonté du Premier ministre et du Président de la République, mais le plan de relance engage fortement l’Etat dans la rénovation.

C’est le moment de foncer et d’aider l’ensemble des Français à se mettre en ordre de marche pour consommer ces financements et participer, ainsi, à la relance économique…

Philippe Pelletier (Plan Bâtiment Durable) : "les élus locaux ont un rôle indispensable à jouer"