Quel fut l’impact du confinement sur le secteur du luxe en résidentiel ?

Nous avons beaucoup travaillé pendant le confinement sur les dossiers à boucler, tout en préparant l’après avec les propriétaires-vendeurs et les acheteurs. Comme tout le monde, nous nous sommes digitalisés à grande vitesse, avec des visites virtuelles via Whatsapp ; nos salariés étaient à 70 % en chômage partiel, mais sont restés très mobilisés. En terme de nouvelle activité, comme tous, ce fut plutôt calme : quoi qu’on en dise, l’immobilier reste un métier physique. L’exception fut un client japonais qui a acheté plusieurs biens à Paris sans les voir, qui voulait profiter d’un effet de change et qui se présentait dans une logique d’investissement. Après la période de confinement, le volume des rentrées de mandat a augmenté de 90 % et le volume d’activité a crû de 68 % sur les deux mois et demi qui ont suivi, avec des prix complètement semblables à ceux d’avant la crise.

Avez-vous eu des cas de dossiers qui ont été abandonnés en raison de la crise sanitaire ?

Il y en a eu très peu, et ont concerné, surtout, des appartements au-dessus de 3 millions d’euros, des deals de 3 à 10 millions d’euros, probablement en raison du montant, avec des parties prenantes qui avaient d’autres sujets à gérer vis-à-vis de leur entreprise. En fait, si ces rétractations ont été peu nombreuses, il y en a eu plus dans les quartiers du Nord-Est de Paris, en particulier le 10ème, et assez peu dans les quartiers de l’Ouest et de la rive gauche : en effet, dans le Nord-Est, nous avons affaire à une clientèle plus jeune, plus indépendante, qui a dû renoncer ; une clientèle moins privilégiée que celle de l’Ouest et de la rive gauche. Une partie des acheteurs est aujourd’hui, à tort ou à raison, attentiste, à l’affût d’un arbitrage plus favorable : ce fut déjà le cas en 2008, en 2012…

Vous considérez qu’ils ont tort ?

Nous n’avons aucune raison, en dépit du contexte actuel, de penser que les prix de l’immobilier de qualité vont baisser sensiblement dans les mois qui viennent… Les taux d’intérêt sont très bas l’immobilier demeure une valeur refuge extrêmement importante ; les clients concernés sont, pour l’instant, peu impactés, même si l’on ne peut oublier nos clients venus de l’hôtellerie, de l’aéronautique ou de la restauration…. Chez Junot Immobilier, le prix de vente moyen se situe autour d’1,3 million : les contraintes actuelles devraient plus toucher les primo-accédants ou les autres régions qui étaient déjà sous tension.

Avec les restrictions actuelles sur les voyages internationaux, la part des acquéreurs français a-t-elle augmenté ?

Des clients étrangers sont tout de même présents, qui arrivent par des moyens détournés, comme des clients américains qui passent par leurs résidences secondaires en Italie ou en Espagne… Mais, plus généralement, de la même façon que les Français ont remplacé les étrangers en tant que touristes en France, il en est de même dans l’immobilier de luxe? Dans tous les cas, la clientèle étrangère ne représente qu’une part très faible du marché et se concentre sur un créneau aux prix très élevés.

Quelles grandes transactions avez-vous réalisées ?

Au premier semestre 2020, 193 appartements, maisons et hôtels particuliers ont été vendus, avec un prix moyen au mètre carré de 14 320 euros, et un prix moyen par actif de 1 191 000 euros. Dans la période de l’après-confinement, 174 mandats de vente nous ont été confiés, avec un prix moyen du mètre carré de 13 911 euros et de 1 217 000 euros par actif. Comme transactions représentatives du marché, nous pouvons citer un appartement de 85,3 m2 rue des Renaudes, dans le 17^ème arrondissement, vendu pour 1 115 000 euros, soit 13 100 euros le mètre carré ; un appartement de 88,07 m2 rue Lamarck, dans le 18^ème, vendu 1 195 000 euros (13 600 euros le mètre carré) ; un appartement de 225 m2 dans le quartier Montorgueil/place des Victoires, dans le 2^ème, cédé pour 3,35 millions d’euros ; un duplex de 167 m2 donnant sur un jardin de 220 m2, rue du Cherche-Midi (6^ème), cédé pour 5 millions d’euros (honoraires inclus), soit 30 000 euros le mètre carré, sans pondération du jardin ou encore un appartement traversant de 175 m2 proche de la rue des Martyrs et de l’avenue Trudaine, dans le 9^ème, vendu 2,95 millions d’euros.

Comment voyez-vous évoluer le marché dans les prochains mois ?

Nous devrions enregistrer une augmentation du stock : tout comme il y a des acheteurs qui préfèrent attendre avant de se lancer, des vendeurs préféreront se lancer maintenant plutôt que d’attendre. Le marché devra, également, faire avec le « sujet Airbnb » dont le modèle ne fonctionnent plus : le retour sur le marché des appartements concernés devrait être aussi une très bonne chose. Néanmoins, au-delà de ce climat général quelque peu délétère, nous dressons, pour notre part, un bilan plutôt positif : le marché se rééquilibre un peu mieux, avec une offre qui s’accroît et une demande un peu moins forte, ce qui est moins stressant pour les acheteurs, mais, en revanche, requiert de vraies qualités professionnelles dans notre métier. L’ensemble, dans un contexte où l’immobilier reste un actif réel et physique, qui apporte des revenus stables et récurrents, bien plus certain que nombre de produits financiers…

Sébastien Kuperfis (Junot Immobilier) : "aucune raison de penser que les prix vont baisser"...