Quel bilan dressez-vous pour le marché de l’investissement après cette période de confinement ?

Le marché de l’investissement a ralenti pendant le confinement, mais ne s’est pas arrêté. En effet, du 1^erjanvier à fin mai 2020, les volumes investis en immobilier d’entreprise en France ont atteint 11,7 milliards d’euros, soit une hausse de 30 % sur un an, légèrement en deçà de la hausse annuelle de 35 % enregistrée pour les volumes du second semestre 2019. Au regard du contexte actuel, ce résultat reste très satisfaisant. Avec le déconfinement, nous ressentons un regain d’activité à différents niveaux selon les acteurs. Nous enregistrons un nombre croissant de visites et nous constatons qu’une très grande majorité d’investisseurs acceptent, dorénavant, de se déplacer pour visiter les immeubles de manière physique et que seule une minorité fait le choix de visites virtuelles et digitales. Pendant la période de confinement, pour répondre aux attentes de nos clients, nous avons digitalisé quasiment l’intégralité de notre parcours commercial. Nous sommes donc capables, pour les investisseurs qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas se déplacer en raison de la fermeture des frontières, de réaliser une grande partie du parcours commercial, y compris les visites, de manière digitale.

Comment voyez-vous évoluer, globalement, ce marché d’ici la fin de l’année ?

La reprise du marché se fait graduellement et nous estimons que d’ici septembre ou octobre la majorité des opérations reportées pendant le confinement aura été initiée. L’intérêt est toujours présent pour l’immobilier comme classe d’actifs refuge face à la volatilité des marchés financiers (encore illustrée ces derniers jours à New-York). D’autant plus que, depuis début juin, la collecte de l’épargne par les SCPI et OPCI est repartie en hausse après une baisse observée entre mars et mai. En ce qui concerne les financements bancaires, ces derniers sont impactés par une hausse des coûts sur les actifs « core », et une plus grande prudence et sélectivité des banques sur l’ensemble des dossiers. Les dossiers « value-add » en souffrent particulièrement car il est quasiment impossible de les financer en ce moment, à l’exception de très belles adresses parisiennes, mais à des conditions nettement durcies. Les volumes de marché devraient, dans l’ensemble, connaître une baisse en 2020, mais dans des proportions moindres par rapport aux premières estimations du début du confinement, d’environ -30 % par rapport à 2019.

On dit que les bureaux et la logistique ont été moins touchés que le commerce ou l’hôtellerie. Quelle est votre analyse ?

En effet, l’impact a été modéré sur les bureaux et la logistique, et plus sévère sur le commerce et l’hôtellerie. En bureaux, bien que l’investissement ait ralenti, les actifs « core » ont été particulièrement ciblés par les investisseurs dans une logique de « flight to quality ». En ce qui concerne la logistique, bien que certaines industries aient été arrêtées ou ralenties, essentiellement les industries manufacturières, de la construction et des biens d’équipement, d’autres secteurs comme l’agroalimentaire, la distribution et les entreprises de messagerie ont connu une hausse de leur activité, ce qui explique l’intérêt des investisseurs pour ces actifs logistiques. A contrario, la fermeture complète des commerces non essentiels avec le confinement et un plus grand attentisme des consommateurs ayant réduit leurs dépenses ont eu un impact sévère sur l’investissement en commerces, de même que la limitation des déplacements et des voyages, et la chute dans le nombre des nuitées sur l’hôtellerie.

Quelle orientation pour les taux de rendement ?

Concernant les rendements, les taux devraient rester stables pour les actifs « prime » vers lesquels les investisseurs se tournent en priorité en période de crise et ce, d’autant plus que le marché français est sous-offreur en produits « prime » de qualité. Ainsi, une baisse ponctuelle de la demande sur ces produits ne devrait pas être suffisante pour impacter les prix. Pour les actifs plus risqués, nous observons, d’ores et déjà, une décote sur les prix des actifs « value add » entre 15 et 30 % et une décompression des taux de rendement.

Quels résultats pour votre département après cette période ?

Nous sommes très satisfaits avec plusieurs mandats phares gagnés. Certes, l’activité s’est ralentie à un moment crucial puisque le Mipim est d’habitude une occasion où nous lançons plusieurs opérations. Néanmoins, celles-ci ont été simplement reportées, soit pour juin et une concrétisation avant fin 2020, soit pour septembre ou octobre et, auquel cas, elles seront concrétisées en 2021. L’objectif est de générer assez d’activité afin de faire de 2020 – qui sera, certes, moins performante que 2019 – une année correcte, mais aussi de se donner un maximum de visibilité et générer un maximum d’activité pour l’année 2021.

Quelle stratégie aujourd’hui ?

Avec le retour de l’activité dans le marché, notre stratégie est d’être à la fois présents sur des mandats de vente liquides, principalement « core » ou, dans une moindre mesure, « value add », mais bien localisés afin de répondre aux besoins des investisseurs d’être rassurés et d’être dans le « flight to quality ». Nous nous focalisons également sur la poursuite de notre activité de « brokerage », c’est-à-dire être initiateurs et créateurs de deals qui ne sont pas nécessairement commercialisés de manière structurée et pour lesquels l’équipe fait preuve de créativité. Dans ce cadre, nous avons pu réaliser la signature d’une promesse de vente portant sur le complexe de bureaux de 23 000 m² « Okabé », au Kremlin-Bicêtre (94).

De nouveaux mandats ?

Nous sommes très satisfaits de l’activité des « pitchs » pendant et après le confinement, qui nous a permis d’avoir d’excellents résultats en matière de nouveaux mandats. Par exemple, nous sommes mandatés pour la vente de l’immeuble de bureaux « Shift », siège de Nestlé, par Unibail-Rodamco-Westfield ; par AG Real Estate pour la vente de « Théodore », le siège d’Adidas, rue Blanche, dans le 9ème arrondissement ou encore la vente du « Millenium », à Lyon. Nous sommes également mandatés pour la vente d’un parc logistique à Mer (41) et par la Carac, pour un portefeuille résidentiel dans le 9^ème arrondissement de Paris et à Asnières-sur-Seine (92), ainsi que pour des résidences seniors et des résidences de tourisme…

Parmi les nouveaux mandats de vente confiés à JLL figure « Théodore », le siège d’Adidas rue Blanche, dans le 9ème arrondissement…

Un conseil aux investisseurs ?

Dans le cadre de l’incertitude autour des « pricings » et des valeurs, certains investisseurs se réfugient dans une position attentiste en observant, d’abord, ce que produit le marché et les transactions qui se réalisent. A mon sens, ceci est une démarche risquée car les investisseurs doivent être capables de déterminer leur propre stratégie d’investissement et leur propre « pricing » pour éviter d’être passifs face au marché. Nous conseillons, donc, aux investisseurs d’être actifs dans la formulation d’offres pour tester la réaction du marché et établir le marché par eux-mêmes plutôt que de choisir d’attendre et observer ce que font les autres acteurs et de subir les tendances…

Stephan von Barczy (JLL) : "être actif plutôt que subir les tendances"...