Quel regard portez-vous sur le marché de l’investissement tel qu’il se présente depuis le début de l’année ?

Le marché a, globalement, démarré avec deux mois de retard, en l’absence du Mipim, ce qui confirme le rôle structurant de ce dernier pour l’année immobilière. Le marché n’a retrouvé son rythme habituel qu’à partir de mars/avril et les chiffres le démontrent clairement, avec une baisse des volumes transactés d’environ 20 %, un peu plus en Ile-de-France et un peu moins dans la France entière. Une tendance qui s’est surtout vérifiée pour le bureau parisien, un peu moins pour la logistique et le résidentiel qui ont connu une dynamique plus linéaire depuis le début de l’année, ce qui confirme la nouvelle logique de diversification « beds and sheds » de nombreux investisseurs.

L’élément réellement marquant est la vague d’externalisations immobilières et/ou financières en cours ou en préparation. Elle concerne des « corporates », notamment du secteur bancaire, le dernier exemple portant sur le « 59 Haussmann » du Crédit du Nord, mais aussi plusieurs autres secteurs comme les transports, le commerce, l’énergie et l’automobile. Elle porte également sur l’ensemble des classes d’actifs : bureau, résidentiel, commerce, logistique et activités. Ces externalisations peuvent suivre une nouvelle analyse des besoins immobiliers, avec comme conséquence la vente d’immeubles vides, mais aussi une pure logique financière comme les cessions d’actifs résidentiels de CDC Habitat ou d’EDF (sur lesquelles les équipes de JLL travaillent…). Nous sommes ravis de constater que notre département capital markets est uniquement positionné pour répondre aux besoins de nos clients « corporate », grâce à l’équipe corporate capital markets, qui fonctionne en synergie avec les équipe spécialisées bureau, commerce, résidentiel et logistique selon les besoins de nos clients. Sans oublier les synergies internes avec notre département corporate solutions, récemment rebaptisé JLL work dynamics.

Comment voyez-vous évoluer ce marché d’ici la fin de l’année ?

Pour les bureaux parisiens, le marché sera surtout en concrétisation et finalisation de plusieurs dossiers « on et off market », et moins en marketing actif, car en dehors de trois ou quatre dossiers significatifs, la profondeur derrière est, pour le moment, plutôt faible. Probablement une belle opportunité pour des vendeurs encore indécis de profiter de cette rareté de produits !

Les volumes en logistique et résidentiel devraient s’approcher des chiffres records, voire les dépasser. En commerce, le second semestre 2021 commence nettement mieux que le premier, avec déjà près d’un milliard d’euros d’engagements actés au cours de l’été via plusieurs transactions d’envergure. Nous anticipons, ainsi, un volume d’investissement de l’ordre de 2,5 milliards d’euros sur l’ensemble de 2021. Nous constatons un retour des investisseurs français et internationaux vers certaines « poches » du commerce, notamment dans l’alimentaire, la restauration et le bricolage.

Quelle évolution pour les taux de rendement ?

Dans l’environnement actuel de taux financiers bas, les taux de rendement conservent une tendance plutôt baissière pour les meilleurs produits, sachant que les investisseurs sont assez stricts dans leurs analyses et que la question du volume rentre également dans le positionnement d’un actif en profil « core » ou « core + ». Pour les marchés moins profonds tels que la logistique et le résidentiel, y compris géré, la tendance baissière est plus forte et plus généralisée, et nous constatons de nouveaux taux records autour de 3,25 %. Dans ce contexte, les taux de rendement pour les actifs de commerce, notamment dans l’alimentaire, associés à des baux longs et fermes semblent particulièrement attractifs, et l’expérience dans d’autres pays comme l’Allemagne montre qu’il y a probablement un véritable potentiel de baisse de ces taux d’ici 18 à 24 mois…

Pensez-vous que l’engouement pour la logistique et l’habitation va se poursuivre ?

Oui pour les deux.

L’engouement est toujours très présent et devrait se poursuivre dans les mois à venir pour la logistique. Il y a toujours beaucoup de capital cherchant à s’investir dans ce marché et nous n’avons pas assez de produits pour répondre à la demande.

Pour le résidentiel, la résilience en temps de crise, avec notamment le plus faible taux de loyers impayés, ainsi que le faible différentiel avec les meilleurs taux de rendement en bureaux vont continuer à alimenter l’intérêt des investisseurs pour cette classe d’actifs dans toutes ses formes (résidentiel existant ou en Vefa, résidentiel géré senior ou étudiant, santé).

Quels résultats pour JLL dans ce marché ?

Nous sommes en passe de réaliser la deuxième meilleure année dans l’histoire de JLL capital markets, ce qui traduit, dans un marché en baisse de régime, des gains de parts de marché, mais aussi une bonne diversification entre les « business lines » et géographique. En soulignant la performance de nos équipes en régions, notamment à Lyon et Lille, qui réalisent, dans un contexte d’offre réduite et de redéfinition de la politique d’urbanisme suite aux dernières élections municipales, de très bons résultats.

A ce propos, quelle(s) évolution(s) pour l’équipe ?

A l’image de nombreuses sociétés, nous avons perdu, depuis 2020, un certain nombre de collaborateurs, soit à notre initiative, soit suite à une remise en question par certains de ces collaborateurs de leurs véritables ambitions personnelles et professionnelles. Une conséquence naturelle de la situation particulière que nous vivons depuis 18 mois et nous nous efforçons d’accompagner ces collaborateurs le mieux possible sur ce chemin. Par conséquent, nous avons un fort besoin de recrutement et constatons que la marque JLL (et JLL capital markets) conserve toute son attractivité. Nous avons déjà réalisé une demi-douzaine de recrutements pour la logistique, le secteur des bureaux à Paris, à Lyon et Lille, et il reste d’autres opportunités pour les bureaux à Paris, le « corporate » et le « retail »…

Plus généralement, quelle stratégie de développement ?

Le mot d’ordre reste « croissance » puisque notre société dispose d’un bilan sain et a, depuis toujours, encouragé dans un esprit entrepreneurial le développement de nouvelles activités. En 2005, lorsque j’en ai pris la direction, le département investissement comptait 15 collaborateurs, actifs en quatre « business lines », alors que nous sommes 55 aujourd’hui, actifs sur huit « business lines ». Nous ne nous interdisons pas, non plus, une réflexion sur une croissance externe, que ce soit par reprise d’équipe ou acquisition de sociétés, et nous étudions actuellement plusieurs dossiers dans cette logique… Mais, bien entendu, nous restons ouverts à toutes discussions avec ceux qui seraient intéressés à rejoindre une équipe comme la nôtre…

Quels nouveaux mandats ?

En matière de bureaux parisiens, notamment de beaux immeubles dans Paris, bénéficiant de bons emplacements à l’exemple d’un immeuble mixte de 5 000 m2 rue des Mathurins et de l’ensemble de 13 000 m2 « E-Conic », préloué à BIC, Porte de Clichy. En commerce, nous sommes, par ailleurs, mandatés sur deux portefeuilles alimentaires d’un volume global d’environ 250 millions d’euros, dont un en exclusivité et l’autre en co-exclusivité.

Un immeuble mixte de 5 000 m2, rue des Mathurins (8ème)…

A Lyon, nous disposons, parmi nos nouveaux mandats, de deux (rares) opportunités à La Part Dieu, dont un immeuble existant et loué, et un autre en Vefa en face de la gare.

… l’ensemble de 13 000 m2 « E-Conic », préloué à BIC, Porte de Clichy…

En résidentiel, nous pouvons évoquer, par exemple, un magnifique immeuble existant dans le 16^ème arrondissement, ainsi qu’un autre dans le 8ème.

En logistique, nous avons de très beau mandats exclusifs en cours avec le projet Tailor (Zalando) et le projet Chrome (une friche de 14 hectares à redévelopper dans le sud parisien).

… ou encore le projet Chrome, une friche de 14 hectares à redévelopper dans le sud parisien : autant d’exemples de nouveaux mandats confiés à JLL.

Quel(s) conseil(s), aujourd’hui, à un investisseur ?

Pour ce qui est des bureaux, il est intéressant de s’attacher au « core + » afin de se différencier et de retrouver du rendement. Dans le commerce, il s’agit de profiter d’une situation qui ne va pas durer éternellement, d’acquérir des actifs de bonne qualité et à des taux attractifs dans l’alimentaire. Dans la logistique, les propriétaires d’un patrimoine peuvent réfléchir à la stratégie « take some money off the table » et profiter de la très forte compression des taux !

Stephan von Barczy (JLL) : « une réflexion sur de la croissance externe »…