Knight Frank vient de fêter ses 50 ans de présence en France. Comment se présente aujourd’hui la société de conseil ?

Le groupe Knight Frank a été fondé en 1896 à Londres et sa présence sur le sol français date, effectivement, de 1973. Nous avons donc fêté, avec nos clients et nos partenaires, ces cinquante ans voilà quelques jours. Aujourd’hui, le groupe rassemble plus de 20 000 collaborateurs répartis dans 487 bureaux dans 53 pays avec, pour évoquer les récentes actualités, des accords globaux avec Cresa pour les activités de « tenant rep », Berkadia (une joint-venture de Berkshire Hathaway et Jefferies Financial Group) pour l’investissement ou encore une nouvelle alliance avec Croisette dans les pays nordiques.

Cette présence et ces alliances nous permettent d’offrir une très large gamme de services à l’ensemble de nos clients, investisseurs, banques, utilisateurs à l’échelle mondiale. En France, ce sont désormais près d’une centaine de collaborateurs répartis sur cinq activités majeures et « historiques » : le département locatif bureaux, le département locatif commerces, l’investissement qui concerne toutes les typologies d’actifs (bureaux, commerces, logistique et résidentiel), sans compter notre équipe « design & delivery » dédiée aux missions de project management pour le compte d’utilisateurs et de bailleurs, ainsi que notre département expertises.

Quel regard portez-vous sur le marché locatif tertiaire francilien tel qu’il se présente depuis le début de l’année ?

Evidemment, il convient, d’abord, de souligner la baisse de l’ordre de 20 % de la demande placée au 1er semestre, reflet d’une conjoncture économique incertaine marquée par l’inflation. Ensuite, relevons l’écart entre Paris intra-muros, toujours très demandé, et les couronnes parisiennes, qui se matérialise par les taux de vacance, les évolutions de valeurs locatives, les délais d’écoulement et les mesures d’accompagnement. En effet, l’activité demeure soutenue dans Paris QCA, assez éloignée de l’immobilisme, de l’attentisme et de l’« office bashing » que l’on peut entendre ici ou là. Le taux de vacance du marché parisien le fait apparaître comme le meilleur élève de la classe européenne, voire mondiale ! D’autres « poches » géographiques enregistrent, également, de beaux mouvements, mais il est clair que certains secteurs souffrent et doivent même se réinventer. Enfin, les nouveaux usages, les nouveaux modes de travail, les nouvelles attentes demeurent des moteurs de mouvements, à minima des moteurs de réflexion et de changements.

Le nouveau siège de Carmila sur « l’Astorg » (8ème)…

Et le marché de l’investissement ?

Nous enregistrons une importante chute des volumes. Ainsi, nous enregistrons à la fin du troisième trimestre entre 8,7 et 9 milliards d’euros investis pour ces neuf premiers mois de 2023, à comparer à 21 milliards d’euros en 2022 et 1,8 milliard d’euros sur le seul troisième trimestre. Avec un impact relatif plus fort sur le bureau que sur les segments commerce ou industriel/logistique sur des séries longues. Il s’agit évidemment de la conséquence directe de la remontée des taux, avec un effet « office bashing » complémentaire pour cette typologie d’actifs historiquement majoritaire, par opposition aux actifs de commerce qui, eux, avaient déjà « corrigé » lors de la crise sanitaire et dont les volumes se maintiennent, finalement, sur des niveaux peu éloignés des précédents. Attentisme extrêmement marqué donc de la part des investisseurs, avec une attente des corrections, bref « work in progress »… Sachant que les volontés de diversification des portefeuilles vers d’autres classes d’actifs restent d’actualité.

Quels résultats pour Knight Frank dans ces marchés ?

D’abord, une très bonne répartition des résultats entre nos cinq activités évoquées plus haut et ce, dans la continuité des années précédentes, gage de notre solidité d’autant que nous sommes une filiale à 100 % d’un partnership, sans aucune dette. C’est ensuite un développement des équipes, notamment, sur les marchés locatifs en bureaux comme en commerce.

En bureaux, nous intervenons sur plusieurs grandes opérations emblématiques parisiennes comme « Capital 8 » d’Invesco ; « Odéon » de Tishman Speyer ; le 44, rue de Châteaudun d’Ag2R La Mondiale : des actifs sur lesquels des transactions sont en cours… Nous avons « bouclé » le nouveau siège de Carmila sur « l’Astorg » d’OFI ou le « 53 Haussmann » pour le compte de BNP Paribas Reim… Au chapitre des nouveaux mandats, citons le 40, rue Laffitte de Sogecap ; le « 69 Franklin Roosevelt » de Nuveen ou encore le « 35 Marbeuf » de KanAm… Tous de très beaux projets ambitieux. Même si Paris intra-muros constitue l’ADN de Knight Frank, nous avons aussi conclu de nouvelles transactions en première couronne sur « Maslö » de Covivio, à Levallois-Perret ; « Made in Saint Ouen » d’AXA IM avec l’Ecole 42, ainsi que plusieurs transactions sur « Canopy », à Courbevoie (92). Enfin, à l’étranger, nous accompagnons de grands utilisateurs français sur leurs opérations en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et à Londres évidemment. En commerce, nous avons finalisé JD Sports sur le « 118 Champs Elysées », Urban Outfitters au 102, Calvin Klein au 44, ainsi que d’autres transactions sur d’autres grandes artères avec Sephora, par exemple. En investissement, nous avons mené à leur terme la vente de Passy Plaza pour plus de 110 millions d’euros, le centre commercial Place d’Armes, à Valenciennes (59), l’Hôtel de Coulanges, dans le Marais ou encore une opération de bureaux de 16 000 m² vouée à une transformation en résidentiel, ainsi que de plus petites opérations, plus liquides…

… de nouvelles transactions en première couronne, comme sur l’ensemble « Maslö » de Covivio, à Levallois-Perret (92)…

De nouvelles demandes dans le locatif ? De nouveaux mandats à l’investissement ?

Le renouvellement de la demande est plutôt très correct même si le marché est orienté « mid-market » et petites et moyennes surfaces, et nous avons des bonnes discussions sur de belles opérations…

En investissement, nous avons plusieurs dossiers en exclusivité de taille assez significative dans ce marché (dont un dossier « off market » de plus de 100 millions d’euros en bureaux/commerces dans Paris QCA) ou encore un centre commercial majeur, par exemple. En bureau, nous avons engagé le marketing d’« Opéra Gramont », ensemble de 8 000 m² loué à un utilisateur de premier plan, ainsi que ceux de deux « retail parks », également majeurs dans leur marché, pour citer des exemples de nos derniers mandats. Sans compter, là encore, plusieurs opportunités de volumes plus limités, notamment en résidentiel et logistique…

Un mot sur les autres activités de Knight Frank en France ?

Effectivement, on oublie parfois que Knight Frank, c’est aussi un département expertise de forte notoriété, comprenant 20 collaborateurs, membre de l’Afrexim dont il en assure la présidence avec Marie Cameron (présidente de Knight Frank Valuation & Advisory, ndlr) et qui intervient tant en immobilier d’entreprise qu’en résidentiel pour le compte d’investisseurs et de banques. La tâche est difficile actuellement face à un marché aussi peu lisible et, évidemment, des enjeux majeurs pour nos clients. Mais l’équipe s’appuie sur son expérience et son professionnalisme. Autre activité : notre département « design & delivery » qui effectue des missions d’aménagement d’espaces pour le compte d’utilisateurs de bureaux ou d’enseignes, mais aussi d’investisseurs dans le cadre de rénovations. Cette équipe d’une dizaine de collaborateurs, équilibrée entre designers et project managers, peut faire valoir de très belles réalisations, dont récemment le siège de la SFL. Sans oublier notre département études & recherche qui produits des études sur-mesure pour investisseurs et grandes institutions publiques ou parapubliques.

… ou encore en commerce, avec JD Sports sur le « 118 Champs Elysées » (8ème) : des exemples de récentes transactions locatives signées Knight Frank

Aujourd’hui, quelle stratégie de développement pour la société ?

Sans surprise, nous souhaitons être prudents dans le contexte actuel. Il reste que pour un groupe de 20 000 collaborateurs dans le monde, nous pourrions être plus nombreux à l’échelle de notre territoire. Mais cette croissance se fera, sans doute, au profit d’activités telles que le résidentiel ou la logistique pour développer les équipes existantes et nos activités dans ces domaines…

Quels objectifs globaux pour Knight Frank dans l’Hexagone ?

Avant tout, une croissance profitable dans un marché chahuté, la fidélité à notre ADN tout en continuant cette diversification en termes de typologies d’actifs puisque nous y rencontrons des succès, ainsi qu’une diversification qui pourrait être géographique également…

A l’investissement, autre exemple, la vente de l’l’Hôtel de Coulanges, dans le Marais, également signée Knight Frank

Aujourd’hui, quel(s) conseil(s) à un utilisateur en recherche de bureaux ?

Nous recommandons, évidemment, un accompagnement qui conjugue « accès marché » et «aménagements des espaces de travail ». Hybridation, flex, services, environnement… nous avons désormais un très bon recul pour intégrer l’ensemble de ces sujets dans les recherches et dans l’analyse des opportunités qu’offre le marché.

Et à un investisseur ?

Une diversification des typologies d’actifs et géographique, sans aucun doute.

Vincent Bollaert (Knight Frank France) : « le renouvellement de la demande est plutôt très correct »…