Vous avez pris vos fonctions à l’été 2023… à un moment difficile. Quels enseignements en tirez-vous ?

J’ai, en effet, pris mes fonctions à un moment où des transitions importantes sont en cours : démographiques, territoriales, environnementales… Le télétravail bouscule l’usage des bâtiments tertiaires et résidentiels, la révolution numérique est en cours. Bref, tout est en forte évolution. Le propre de toute crise, dans un environnement forcément complexe, c’est de créer des opportunités importantes, qui permettent de redessiner les modèles que l’on croyait acquis.

Vinci Immobilier est impliqué en termes de développement durable. En particulier, l’entreprise s’est engagée à atteindre le Zéro artificialisation nette (Zan) en 2030. Est-ce toujours à l’ordre du jour ?

Plus que jamais ! Nous restons absolument sur le même objectif. Un promoteur répond à une demande et un enjeu social essentiel. Nous devons donc impérativement prendre en compte les enjeux environnementaux qui reposent sur deux piliers : biodiversité et décarbonation. Le Zan répond à ces deux enjeux décisifs, en donnant la possibilité d’héberger de la biodiversité en ville, mais aussi en permettant la décarbonation. Il faut donc, plus que jamais, travailler sur le recyclage urbain (la moitié de nos opérations récentes a été réalisée dans ce cadre). Et, surtout, il est nécessaire de mixer la construction neuve (et nos équipes savent parfaitement proposer des solutions décarbonées) et la réhabilitation comme sur « Wood », à Grenoble. Bien sûr, tout cela a un coût, demande plus d’études en amont, un investissement intellectuel plus important. Mais le jeu en vaut la chandelle : le recyclage urbain est créateur de valeur pour la société dans son ensemble, il est bénéfique pour les habitants et les territoires. Ce surcoût, c’est donc à nous de le gérer. Notons, d’ailleurs, que plus nos équipes conçoivent des opérations de recyclage ou réhabilitation, plus elles sont efficaces et performantes pour en réaliser d’autres. Le Village des Athlètes, en Seine-Saint-Denis, en constitue un magnifique exemple. Mais il faut citer également, parmi d’autres, l’opération Dijon Sainte-Marthe, une ancienne clinique réhabilitée en un programme intergénérationnel ; le « Hangar Y », à Meudon, un ancien hangar à dirigeables… transformé en lieu culturel et événementiel ; la « Student Factory », à Nancy, une ancienne école de chimie réhabilitée en résidence étudiants ou encore le « Magasin Général », à Saint-Pierre-des-Corps, l’une des plus anciennes friches industrielles de France qui accueillera un incubateur technologique de recherche et développement ou, enfin, « Initia », à Ramonville-Sainte-Agne, un programme de recyclage urbain et de végétalisation exemplaire, une des premières opérations à viser le label E4C1. Vous voyez que les exemples très concrets ne manquent pas.

« Il est nécessaire de mixer la construction neuve et la réhabilitation »

Justement, vous évoquiez les « opportunités » créées par la crise immobilière en cours : l’innovation en fait-elle partie ?

Absolument ! On doit saluer l’inventivité de toutes nos équipes. Le fait d’être soumis à cette crise oblige tout le monde à se réinventer, à se questionner sur les process, les habitudes prises. Comment optimiser un projet techniquement, juridiquement, économiquement ? Nous avons nous-mêmes créé une contrainte en interne : il n’est plus possible de déroger à cette règle du Zéro artificialisation nette. Et cette contrainte peut constituer une formidable source de progrès et d’innovation. Et ce, dans tous les aspects de notre profession. Cette remise en question est vraiment salutaire : elle est aujourd’hui au cœur de nos métiers…

Dans ce contexte, comment évoluent les différents secteurs de votre activité de promoteur entre le résidentiel et le tertiaire ?

Les répartitions « classiques » sont, bien entendu, impactées par la situation actuelle. L’hôtellerie a cette année pris le relais de l’immobilier de bureaux. Par exemple, nous avons lancé les travaux du palace à construire dans l’ilôt Saint-Germain, à Paris (7ème). Nous avons bien conscience que les années à venir seront complexes en matière de bureaux et de commerces. Mais je voudrais le rappeler avec force : le bureau n’est pas mort ! Il doit simplement se réinventer face aux nouveaux usages, aux nouvelles attentes des entreprises et des salariés. Mais le « tout télétravail » ne constituera aucunement la solution. Car la créativité des équipes (et nous le constatons en interne) passe, avant tout, par la rencontre, la confrontation des idées et des projets. Ces nouveaux bureaux, nous les avons conçus dans notre démarche « the better way ». Les bureaux d’aujourd’hui et de demain doivent être un vrai concentré d’innovations, en réconciliant confort et frugalité, bien-être, mais aussi performance et mutabilité. Et c’est ce que nous proposons à toutes les entreprises et investisseurs. Côté résidentiel, face à la baisse importante des volumes de vente, comme toute la profession, nous avons, bien sûr, augmenté très notablement les ventes en bloc, notamment aux bailleurs sociaux. Ce qui est complexe pour ce secteur, c’est la conjonction de toutes les difficultés en même temps : l’augmentation des coûts des travaux (dont on peut espérer qu’ils vont se stabiliser), mais aussi les réglementations énergétiques, la fin du dispositif Pinel, la hausse des taux d’intérêt. Cela fait évidemment beaucoup pour une seule activité que je connais bien puisque j’étais la directrice générale du résidentiel avant de prendre mes actuelles fonctions. Notre réflexion autour du logement est, là aussi, de nous mettre au service de nos clients. A l’occasion du dernier congrès HLM, par exemple, nous avons lancé notre nouvelle offre « inclusive » visant à mettre en place une meilleure organisation régionale avec un référent par région, et la réponse à des questions très concrètes comme, par exemple, la prise en compte du vieillissement de la population qui est une préoccupation majeure pour beaucoup de bailleurs. Ce qui passe par une réflexion sur la circulation dans et à l’extérieur du bâtiment, à l’adaptabilité des salles de bains… Autre sujet important : aller vers une diminution des charges. Outre le fait que nous ne construirons plus de logements équipés au gaz, nous privilégions la durabilité des matériaux permettant un niveau maîtrisé des charges.

« Notre métier de promoteur est un métier utile à la société dans son ensemble, aux habitants comme aux territoires »

Donc, malgré la crise immobilière et ses conséquences, votre vision reste optimiste ?

Ne l’oublions pas, notre métier de promoteur est un métier utile à la société dans son ensemble, aux habitants comme aux territoires. Nous travaillons, plus que jamais, sur la question de l’acceptabilité de nos produits. Dans le contexte difficile d’aujourd’hui, il est utile d’avoir « les reins solides » pour affronter les bourrasques, mais il faut aussi penser à reconstituer notre portefeuille foncier. Nous travaillons à échéance de trois, cinq, parfois sept ans. L’enjeu d’encouragement des maires à vouloir continuer à construire « malgré tout » est essentiel. C’est pourquoi nous devons mobiliser tous nos efforts pour présenter des projets toujours plus séduisants, vertueux et modernes. Nous nous appuyons sur notre réseau de startups, développons l’asset digital, allons vers toutes les formes d’innovation. Je suis fière d’être à la tête de Vinci Immobilier, dans ce moment difficile, plein d’opportunités, car notre métier est celui où l’humain joue un rôle essentiel, avec des facultés exceptionnelles de ténacité et de résilience !

Virginie Leroy (Vinci Immobilier) : « Transformer la crise en opportunités »