La nature exceptionnelle de la crise du logement, conjuguant crise de la demande solvable et crise de l’offre, qui lui confère un caractère structurel caractérisé par l’ajustement des équilibres de marché par les quantités et non plus par les prix (scénario de stagflation), conduit à diagnostiquer un épuisement du modèle de production développé depuis les années 1970 (l’aménagement de terrains à bâtir), consommateur d’espace, générateur de recettes fiscales, mais aussi de coûts d’urbanisation, au profit d’une « industrie de la transformation des actifs immobiliers » alimentée par deux sources principales : la transformation d’immeubles de bureaux, dont les surcapacités sont de l’ordre de 25 à 30 % en Ile-de-France (10 millions de mètres carrés excédentaires entraînant une perte de valeur prévisionnelle de l’ordre de 50 milliards d’euros) ; la reconfiguration d’un quart des emprises occupées par la grande distribution, soit 300 sites à l’échelle nationale, à travers de grandes opérations d’urbanisme incluant la réalisation de « micro-quartiers » d’habitation et leur raccordement au tissu urbain (transformation de galeries marchandes en rues commerçantes…).

Le jeu naturel du marché devrait conduire à l’émergence d’une « industrie de la transformation » sur une vingtaine d’années marquées par l’apparition de nouvelles friches urbaines, qu’elles soient horizontales ou verticales (immeubles inoccupés) générant une grave crise d’urbanisme comparable, à certains égards, aux périodes d’après-guerre ; en termes de politique publique, l’enjeu consiste donc à élaborer une stratégie incitative au « réinvestissement de transformation », tout en convaincant les propriétaires actuels d’accepter de très fortes décotes de l’ordre de 90 à 95 % de la valeur historique de leurs actifs obsolètes, sans pour autant contribuer, par des ressources publiques, à effacer cette perte bilantielle. Le dispositif correspondant à cette stratégie est le « Denormandie institutionnel ».

1. Comme le « Denormandie », il repose sur un mécanisme de défiscalisation de l’ordre de 18 % du montant de l’investissement, mais son assiette serait déplafonnée.

2. Afin d’inciter à l’acceptation de la décote et donc au « recyclage » d’un actif improductif, l’éligibilité au dispositif serait conditionnée par un niveau maximal de charge foncière supportée par l’opération (par exemple, le niveau de marché -10 %) incluant la valorisation des actifs apportés dans le projet.

Le plafond de charge foncière conditionnant l’éligibilité pourrait être révisé chaque année, permettant à l’Etat de réguler le coût fiscal du dispositif.

Le propriétaire qui accepte cette décote peut être le réinvestisseur qui bénéficiera alors de la défiscalisation ; s’il ne souhaite pas qu’il en soit ainsi, c’est le repreneur/réinvestisseur qui bénéficiera de l’avantage de défiscalisation.

3. Afin d’inciter le nouveau propriétaire (qui peut être également l’ancien s’il décide de réaliser lui-même le réinvestissement) à remettre l’actif reconfiguré (logement, hôtel, résidence pour étudiants ou pour personnes âgées…) sur le marché à un niveau de prix accessible à l’issue de la réception des travaux, son avantage fiscal sera maximal (par exemple 18 % de l’investissement) si l’exploitation de l’actif transformé est reprise dans les dix-huit mois suivant la clôture de l’opération de transformation, ou ramené à 12 % au-delà de 18 mois, délai décompté à partir de la réception des travaux.

4. Afin de réduire la durée des opérations de taille significative, elles pourraient s’inscrire dans le cadre d’OIT programmées au niveau régional/métropolitain. Par ailleurs, une contractualisation pourrait être conclue entre l’Etat et les collectivités régionales/métropolitaines acceptant de créer des dispositifs d’aide au portage transitoire des chantiers (fonds territoriaux d’accompagnement de portage) en contrepartie d’une délégation d’adaptation de certains dispositifs nationaux (Zan, SRU…) destinée, notamment, à faciliter l’accueil des travailleurs-clés (giga-factories, secteur hospitalier…).

Les opérations de réinvestissement, en dehors de l’avantage immédiat procuré par le « Denormandie institutionnel », seraient fiscalisées, en fonction de leur nature, dans des conditions de droit commun (TVA à 10 % sur les logements sociaux et intermédiaires…). Afin d’accélérer le processus de prise de décision, la période de mise en œuvre de ce dispositif exceptionnel pourrait être limitée à quatre années.

En synthèse : l’économie de ce dispositif et donc de la stratégie sous-jacente, en termes de politique publique, consiste dans l’incitation à opérer des investissements nouveaux, utilisant les conditions d’éligibilité pour accélérer les inscriptions en non-valeur des actifs obsolètes et la maximisation de la défiscalisation pour minorer le niveau des prix lors de la remise sur le marché des actifs transformés. Il s’agit donc, en quelque sorte, de sacrifier le « rentier » au profit de l’investisseur d’avenir, en assainissant le marché des actifs à reconvertir et en modérant le niveau des prix sur celui des actifs reconvertis. Aucun autre dispositif ne saurait concilier l’ensemble de ces points forts, en termes d’efficacité et d’efficience, dans le cadre d’une politique publique de relance, dans le contexte actuel.

André Yché

André Yché : "crise du logement : le seul ”game changer” possible que tout le monde attend !"