Logement

Bernard Devert : "des vœux pour ne rien dire ou des vœux à vivre"

05 Jan 2024 - 11h53

Il est de coutume d’adresser ses voeux au mois de janvier. Le président fondateur d’Habitat et Humanisme, Bernard Devert, dans une nouvelle tribune pour « Immoweek », pointe le doigt sur le fait que souvent « passés les premiers jours de l’an », les voeux alors formulés « demeurent dans l’oubli, en en gardant parfois quelques traces, via de belles cartes accompagnées de mots qui ont touché »…

Les traditions se perdent, dit-on, mais il en est une, la présentation des vœux, qui se maintient comme pour exorciser la violence et le tragique qui s’étalent sans pudeur. Personne n’est dupe.

Le meilleur, toujours échangé, traduit la recherche d’une ouverture qui pourrait pourtant se révéler « la chance » de nouveaux récits de vie dans cette attention vigilante à « faire du neuf ».

Or, ces vœux, aussitôt que sont passés les premiers jours de l’an, demeurent dans l’oubli, en en gardant parfois quelques traces via de belles cartes accompagnées de mots qui ont touché.

Alors des vœux pour rien !

Non, ces vœux sont une tentative d’un monde autrement. Un essai qui demeure sans lendemain pour ne point être transformé. Ne serait-ce pas une paralysie de l’esprit pour juger que l’espoir des premiers jours ne saurait traverser tous nos jours ; une utopie encadrée par la trêve des confiseurs !

Aurions-nous peur de changer et de faire changer en acceptant de prendre au sérieux ces vœux pour les considérer comme des enjeux de vie, pour la part qui nous revient ?

Souhaiter le meilleur ne saurait être une simple formule. Quand les mots s’ajoutent à d’autres mots sans parvenir à être une parole qui engage, alors les faux-semblants s’accumulent avec pour conséquence le poids des fatalités, jetant les promesses dans les abîmes.

C’est en se mobilisant que le rêve devient une réalité ; c’est en décuplant nos énergies que les obstacles se franchissent, jusqu’à entrevoir, ô surprise, un autrement.

« Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve » (Hölderlin). Ne laissons pas nos vœux emportés par la magie du verbe. Si le Verbe s’est fait chair, c’est un appel à ce que notre parole prenne corps et cœur au sein de nos engagements. Saint-Exupéry souligne très justement que le prophète n’est pas celui qui dit l’avenir, mais celui qui le rend possible.

Oui, ces « possibles » sont évalués comme des utopies irréalisables au lieu de les envisager comme une orientation, un sens ou encore une responsabilité, créant des liens de l’inattendu, souvent de l’inespéré.

Difficile ce chemin pour être souvent abrupt, d’autant que les doutes sont distillés à l’envi et amplifiés par des porte-voix qui, sous couvert d’une sagesse trompeuse, tentent d’interrompre cette marche au nom de la prudence sans voir qu’elle éloigne de l’espérance.

De son exil brésilien tourmenté, Georges Bernanos écrivit : « l’espérance est un risque à courir ».

Demandons-nous quels risques allons-nous courir cette année. Vivre, c’est faire vivre, par-là même refuser l’indifférence pour ne pas accepter ces situations dégradantes qui nous déshumanisent pour les tolérer. Impossible, sauf à entrer dans un déni, de les occulter, tant elles jonchent nos rues et nos places.

La question : où est l’espérance ? Elle est précisément là, si nous voulons bien nous déplacer et considérer, comme Bernanos, qu’elle relève d’un désarroi surmonté.

2024 est l’année de l’Olympe. Ne la vivons pas seulement dans les stades, mais à partir de nos vœux, entendus comme des enjeux. Alors, déjouant les fatalités qui accablent, acceptons d’entrer dans la mêlée et de nous mêler de ce qui nous regarde pour ne plus observer la pauvreté, mais de tenter de l’éradiquer afin de la mettre sur la touche. Il s’ensuivra une transformation des relations.

Souvenons-nous, là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve, pour autant que nous ne nous échappions pas de ce meilleur qui ne surgit que là où nous le bâtissons ; tout le reste est vanité ou puérilité.

Courage, habitons notre responsabilité, elle nous fait grandir si nous veillons à ne pas la fuir ; heureuse année, alors.

Bernard Devert
Janvier 2024

Valérie Garnier