Logement

Bernard Devert : "quand l’économie se pense comme un soin, que de blessures guérissent"

20 Fév 2024 - 12h50

Dans la continuité de la tribune précédente, le président du Haut Comité pour le logement des Personnes Défavorisées, Bernard Devert, souligne la pertinence d’une opération qu’autorise l’article 55 de la loi SRU…

Cette chronique voudrait se présenter comme l’expression d’une gratitude pour l’attention que vous avez réservée à l’appel pour que ne soit pas révisé à la baisse le quota des logements à destination de personnes fragilisées dans le cadre de la loi SRU (Solidarité Renouvellement Urbain).

Nous ne nous opposons pas, bien au contraire, à ce que ce quota soit étendu au bénéfice des classes moyennes, mais pas au préjudice des plus pauvres. Une question de justice à l’égard de laquelle vous nous avez fait part combien vous nous souteniez ; soyez-en vivement remerciés.

Nous avons demandé un rendez-vous auprès du ministre délégué au Logement et sollicité l’intervention de Monsieur le Premier ministre pour que la révision de la loi SRU s’inscrive dans la recherche d’une plus grande équité, à une heure où plus de 70 % de nos concitoyens sont éligibles à un logement aidé.

Ne nous payons pas de mots, pour y parvenir s’impose une maîtrise des coûts de la construction, plus particulièrement du foncier. L’habitat n’est pas un bien comme un autre, pour être laissé à la fluctuation des marchés, sauf à accepter des situations de rentes injustes, cause de bien des abîmes destructeurs de la cohésion sociale.

Le logement est un droit qui ne saurait être « marchandisé », sauf à en faire un pauvre droit pour exclure les plus fragiles.

Il m’est agréable de vous partager l’engagement d’Habitat et Humanisme Maine-et-Loire au sein de la ville d’Angers, dans un quartier socialement équilibré, voire résidentiel. Il s’agit de la construction, il y a quelques années, d’une pension de famille à destination de personnes confrontées à la violence, que représente la rue pour n’avoir pas de toit.

L’opération réalisée concerne 18 personnes, hommes et femmes, qui pensaient être rien pour n’avoir rien.

La qualité de l’habitat et celle de l’environnement présentent, ici, un tel inattendu que s’est éveillée pour chacune d’elles la chance d’un autrement grandement facilité par un accompagnement de la part de personnes qui, bien installées dans la vie, refusent ces jugements hâtifs et délétères à l’égard de ceux qui basculent dans la misère et les addictions qui s’ensuivent trop souvent.

Cet accompagnement est assuré par trois femmes qui travaillent au sein d’une grande Banque dans un service de gestion de fortunes ; elles ont su trouver une liberté et une audace pour rencontrer ces 18 infortunés, leur offrant un crédit, qui a pour nom la confiance et l’estime. Ils se sont interrogés : pourquoi sommes-nous bénéficiaires d’une telle attention ?

Ces « banquières de l’espoir » ayant un sens aiguisé de l’acte d’entreprendre l’ont partagé, si bien que ces personnes, hier qui faisaient plus ou moins la manche, ont vécu une traversée au point que désormais elles s’investissent pour créer une mini-entreprise se préparant à la restauration.

Les voici devenus acteurs de leur devenir.

Inutile de préciser que cette ouverture est créatrice d’une joie qui n’a pas de prix. Tout a commencé par la finance solidaire dont Habitat et Humanisme est pionnier, fort du soutien de ceux qui considèrent que l’économie peut être un formidable vecteur de partage.

Comment ? En investissant de son épargne pour qu’elle participe à ce dividende ici évoqué, remettant debout ceux qui pensaient être à jamais perdus.

Quand la solidarité traverse l’économie, elle porte le fruit d’un soin qui a pour nom l’humanisme.

Bernard Devert
Février 2024

 

Valérie Garnier