On parle beaucoup du « monde d’après », le Covid et le confinement. Mais, pour le secteur de l’immobilier résidentiel, le monde d’après ressemble en fait beaucoup au monde d’avant ! En effet, la crise sanitaire que nous vivons n’a absolument pas modifié le problème fondamental du secteur du logement depuis des années : une crise de l’offre profonde et durable avec plus de 4 millions de personnes mal-logées dans notre pays. Ce manque structurel de logements, avec tous les inconvénients qu’il entraîne (envolée des prix, éviction des classes moyennes des grandes villes, difficultés quotidiennes des locataires…) existait déjà avant la pandémie et le problème est toujours là.

Dans cette nouvelle phase qui s’ouvre, il faut donc agir et agir vite et lancer un véritable choc d’offres si on veut permettre à tous de bénéficier enfin du logement dont ils ont besoin. Je crois à un plan de relance massif, mais sans un euro de subvention publique, sans une énième loi de de défiscalisation qui ne ferait que relancer la spéculation.

Comment mettre en œuvre ce choc d’offres ? Je citerais cinq pistes : la digitalisation, la simplification, la réduction des délais, la densification et bien sûr la mobilisation des acteurs.

La digitalisation tout d’abord : s’il y a une leçon à tirer de la crise, c’est bien la nécessité de moderniser le secteur. En effet, pendant le confinement, les promoteurs comme Alila ont tout fait pour maintenir l’activité et poursuivre leurs projets en lien avec leurs partenaires : vidéoconférences, télétravail… Malheureusement, de nombreux acteurs du logement (certaines administrations, certains services publics, certaines études notariales…) n’étaient pas en mesure d’assurer la continuité de leur activité. Pour remédier à cela, il faut permettre à ces acteurs de s’équiper (matériel informatique, outils de communication…) et de faire évoluer leur organisation.

La digitalisation ne sera pleinement efficace que si la réglementation est simplifiée. Comment accepter aujourd’hui que le dépôt d’un permis de construire soit synonyme d’une multiplication de photocopies et de pièces justificatives à fournir aux administrations ? A Singapour cela fait 10 ans que le permis de construire peut être déposé en ligne !

Nous devons aussi réduire la durée de traitement administratif des projets. Les retards pris dans la construction pendant le confinement ne sont pas rattrapables. Par contre, il est possible d’économiser plusieurs mois sur les procédures préalables au premier coup de pioche. On peut très bien, tout en respectant l’intérêt général, raccourcir les délais légaux d’instruction des permis, fixer une limite pour la demande de pièces complémentaires, réduire les délais de recours….

En ce qui concerne les projets eux-mêmes, il faut assumer une densification raisonnée, en utilisant toutes les possibilités ouvertes par les PLU qui permettent de construire plus et plus rapidement qu’on ne le fait aujourd’hui. Des immeubles de 4 ou 5 étages, adaptés au code de l’architecture locale, dotés d’équipements collectifs et d’espaces verts, peuvent contribuer à l’attractivité d’une ville et au bien-être de sa population. Finalement les PLU sont bien édictés par des urbanistes dont c’est le métier ! Appliquons-les, simplement.

Bien entendu, ce choc d’offre passe par une mobilisation des acteurs majeurs du logement dans les territoires : les collectivités, les élus et avant tout les maires. Il faut d’ailleurs soutenir, notamment sur le plan fiscal, les maires bâtisseurs, qui agissent pour répondre aux besoins de leurs concitoyens.

A la mobilisation des acteurs publics, doit répondre l’engagement des acteurs privés. Trop de promoteurs développent des programmes standardisés vendus indifféremment au plus offrant quand le contexte de marché est favorable. Ils gagneraient à être dans une posture de dialogue et d’écoute, à développer des programmes de qualité, adaptés aux besoins de chaque agglomération, de chaque quartier. L’honneur des métiers de la promotion ça n’est pas de spéculer pour les investisseurs c’est de construire des logements pour les habitants !

Plus de souplesse et moins de lourdeur dans le traitement des projets de logement, un soutien renforcé aux élus qui s’engagent, une volonté d’échanger et un souci de l’intérêt général de la part de tous les acteurs…. Ce sont les principes qui doivent guider le monde d’après, si on veut répondre aux besoins non satisfaits et arriver enfin au logement pour tous ! »

Hervé Legros (Alila) : "quand le monde d'après ressemble beaucoup au monde d'avant"