La tertiarisation des industries est un processus entamé depuis les années 1970, qui correspond au développement du modèle serviciel. Il est décrit par la CCI comme étant ”la vente d’un usage et la vente d’une performance d’usage d’un bien (en tant que service) pour une durée déterminée et non du bien lui-même”. La tertiarisation libère, ainsi, le client des contraintes liées à la propriété d’un bien et lui apporte les bénéfices liés à l’utilisation optimale de ce bien.

Dans le secteur immobilier, cette mutation est en progrès : les différentes crises économiques et sanitaires ont accéléré le processus et l’activité du secteur immobilier en tant que service devrait, dans le monde, tripler en termes de chiffres d’affaires, notamment sous la forte impulsion du “smart building”. Si l’on veut s’assurer d’une transformation gagnante du secteur, il faut aller plus loin que ce qui est fait aujourd’hui en transformant non pas seulement la possession d’un bien en usage, mais en solution d’immobilier.

Les enjeux et atouts autour de cette transformation en industrie servicielle

Les intérêts de ce modèle sont multiples pour l’usager : en transformant le produit en solution de service, ce dernier est davantage considéré et la relation client valorisée. En outre, la dépense de fonctionnement (OpEx) et non d’investissement (CapEx) permet aux entreprises d’en dégager du capital et un transfert de risque s’opère du client au fournisseur. Le serviciel permet aussi l’optimisation des ressources et des biens afin d’en réduire la consommation et l’empreinte carbone – économie de l’efficience. Au cours du temps, des changements brusques et des signaux forts ont poussé l’immobilier à s’adapter à ces enjeux et à y apporter des réponses concrètes pour l’usager.

Dans l’immobilier de bureau, la volonté de faire collaborer davantage les équipes entre elles, le changement de politique de management et la rétention des talents via la concurrence et la mondialisation ont obligé le bureau à se réinventer. Nous proposons maintenant de plus en plus de flexibilité pour l’usager : nous sommes passés du bail 3/6/9 à du coworking/corpoworking qui propose de la location allant jusqu’à la journée, du bureau individuel au flex office pour répondre aux besoins de chaque entreprise, d’une politique présentielle à la possibilité de faire du télétravail dans la semaine. Des services se développent pour apporter plus de confort à l’usager : RIE, salles de sport, conciergerie…

Dans l’immobilier résidentiel, la remise en cause du modèle familial classique, la mondialisation de l’emploi, la précarité de certains ménages ont également poussé le secteur à se réinventer. Aujourd’hui, il existe une offre de services bien plus large que le résidentiel classique tels que le coliving ou nouvellement le « build to rent », pour répondre à la demande croissante d’optimisation des espaces communs et des services, le développement de l’offre des logements sociaux ou intermédiaires et la multiplication des résidences seniors face à une population vieillissante.

Dans l’immobilier commercial, l’arrivée massive des géants du e-commerce a obligé le commerce physique à s’adapter et proposer une expérience unique. De fait, les enseignes développent une stratégie omni-canal pour capter leur clientèle et être présentes lors de tout le cycle d’achat, que cela soit sur internet ou en physique.

Tertiarisation de l’immobilier : quels acteurs portent cette (r)évolution ?

D’autres industries l’ont bien compris. Ce sont des milliards de données qui sont récupérées depuis nos smartphones ou nos véhicules qui permettent aux concepteurs d’en améliorer quotidiennement la production et d’en assurer le bon fonctionnement.

Le locataire est et restera le client final. Comprendre et anticiper ses besoins en fonction de son usage des bâtiments est et restera un élément concurrentiel majeur pour chaque concepteur, promoteur immobilier ou bien gestionnaire, propriétaire ou asset manager.

Autrement dit, dès aujourd’hui, dans une industrie qui se veut davantage axée sur la résolution de problèmes, un promoteur pourra capitaliser sur la valeur servicielle de ses programmes en prenant en compte les données d’exploitation récupérées sur ses projets afin d’en améliorer en continu le développement, ce qui lui sera indispensable s’il veut prospérer et éviter l’obsolescence accélérée face à des besoins et comportements en constante évolution.

Un propriétaire, ou un asset manager, aura la possibilité d’améliorer significativement la performance financière, environnementale et technique de ses actifs à l’échelle de l’immeuble ou de son portefeuille en y étudiant l’occupation et l’usage des services pour répondre au mieux aux besoins de ses locataires, non pas en tant que signataires d’un bail, mais bien en tant qu’occupants des espaces à la recherche d’une solution de bureau pour leur entreprise.

Si aucun tournant n’est pris dans ce sens, l’adage “on a toujours fait comme ça” continuera à coûter extrêmement cher à notre industrie et l’empêchera de réaliser correctement sa transition vers une industrie servicielle.

"Passage de l'ère industrielle à l'ère servicielle : où en est l'immobilier ?