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Le statut fiscal à part entière du bailleur privé implique une reconnaissance légale qui permet d’imposer les revenus locatifs de manière spécifique. Voici la dernière tribune de Danielle Dubrac, présidente de l’Unis (Union des Syndicats de l’Immobilier)…
Des années que la filière du logement, l’Unis en tête, réclame un statut fiscal à part entière du bailleur privé. Il ne s’agit pas de vouloir un régime d’exception au nom d’une sorte de faveur politique.
L’inverse de cela. Un dispositif stable, de droit commun, ouvert au logement locatif neuf comme ancien, qui ne soit pas une niche – on dit « déniché » dans le jargon des fiscalistes – remplaçant l’ensemble des régimes préexistants et donnant enfin de la lisibilité à la fiscalité trop complexe de l’investisseur locatif. Surtout, un régime reconnaissant du rôle du ménage qui, au prix d’un endettement, acquiert un bien pour loger une famille ou un individu, c’est-à-dire concourt à une mission sociale essentielle, en complément du logement public. Un régime, enfin, identifiant l’investisseur comme un entrepreneur qui s’engage financièrement pour devenir propriétaire d’un actif d’exploitation, avec les charges, les risques aussi, qui y sont associés.
Pour le dire d’un mot, il s’agit d’instaurer un amortissement des actifs résidentiels locatifs nus et une déductibilité des charges d’exploitation au réel, qui permette un rendement honorable.
Ce modèle a déjà fait ses preuves, pour les loueurs en meublé de longue durée, habilités à entrer dans le système des bénéfices industriels et commerciaux, mais aussi entre 1995 et 1997 pour les biens locatifs neufs à l’initiative du ministre Pierre-André Périssol. Il a également démontré sa puissance outre-Rhin depuis quarante ans, quand les pouvoirs publics français jugeaient préférable de multiplier les régimes spéciaux pour atténuer une fiscalité toujours plus lourde.
Pour préciser encore le cahier des charges, on ajoutera que cet investisseur peut accepter deux efforts supplémentaires, qui fassent de lui un acteur des politiques publiques et méritent une considération fiscale spécifique : modérer les loyers perçus en sorte de loger des ménages à moindres revenus ou encore améliorer la performance environnementale du logement, pour abaisser la facture énergétique du locataire et contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique. Un bailleur qui consent ces gestes doit bénéficier d’un suramortissement, par exemple de 10 % de plus s’il rehausse le logement à la lettre E du diagnostic de performance énergétique (DPE) au prix de travaux de rénovation onéreux, qu’il doit aussi pouvoir amortir ou, au choix, déduire de ses revenus globaux. Cette seconde voie, aujourd’hui autorisée jusqu’à la fin de 2025 à hauteur de 21 400 euros, soit le double de l’enveloppe normale au titre de la transformation écologique des logements locatifs, est mal connue et elle n’est, en outre, adaptée qu’à une minorité de contribuables fortement fiscalisés : il importe qu’elle cohabite avec la possibilité d’amortir les travaux.
La question de la durée d’amortissement et du taux reste ouverte. Il serait opportun de favoriser une durée de conservation des biens assez longue. Nous devons nous interroger sur la déductibilité des travaux, sur l’intérêt qu’aurait le bailleur, ou non, d’entrer le dispositif, selon ses revenus globaux.
Autant de situations, autant de ramifications à envisager. En évitant le risque de redressement sur les estimations de valeur et sur les tableaux d’amortissement.
Voilà ce que serait un dispositif fiscal équitable, qui serait inscrit de façon pérenne dans le Code général des impôts. A n’en pas douter, il séduira les Français, qui ne cessent de s’éloigner de l’investissement locatif, au moment où l’offre privée devrait être accrue. Les files d’attente de logements à louer s’allongent dans le secteur privé comme dans le secteur HLM, le second ne parvenant plus à suppléer au premier. Il faut saluer la conscience active de la ministre du Logement, Valérie Létard. Elle vient de missionner deux parlementaires, dont l’un de ses prédécesseurs jadis en charge du portefeuille du logement au gouvernement, le sénateur Marc-Philippe Daubresse, pour qu’ils posent les bases de ce statut fiscal du bailleur. De son côté, la filière fait preuve de cohésion et de responsabilité sur ce sujet crucial : l’Alliance pour le logement, qui ne regroupe pas moins d’une dizaine de familles professionnelles, dont l’Unis, présente un front commun pour un même objectif.
Au demeurant, l’amélioration du sort fiscal de l’investisseur n’est pas la seule voie pour redresser le rendement locatif. Il n’est que temps d’actualiser la liste des charges dont le propriétaire est en droit de demander remboursement au locataire. Elle date de… 1987 et le décret qui les fixe de façon exhaustive n’a jamais été revu. Les équipements techniques des immeubles, les services, les exigences de performance énergétique ont considérablement évolué, comme les exigences légitimes des preneurs. Prendre en compte ces progrès et rééquilibrer l’équation économique entre bailleur et locataire est une mesure de simple justice économique, qui ne coûterait rien aux finances publiques et redonnerait de l’attrait financier à l’investissement locatif. Ce dossier a été plusieurs fois ouvert par des ministres depuis vingt-cinq ans, sans jamais aboutir : on a préféré sacrifier les investisseurs plutôt que de faire entendre raison aux associations de locataires… avec lesquelles le dialogue ne s’est même pas engagé, notamment au sein de la commission nationale de concertation.
Après bien des promesses jamais tenues en la matière, le gouvernement de François Bayrou ne doit pas décevoir. Ne peut pas décevoir : le Premier ministre, maire, élu de grande expérience, sait que la paix sociale et le rééquilibrage des comptes publics ont pour condition la relance volontariste de l’investissement immobilier résidentiel.